La France et l’Allemagne vont ratifier demain, mardi 22 janvier, le Traité d’Aix-la-Chapelle, qui a défrayé la chronique. De nombreux groupes ont ainsi relayé la vente ou la cession de l’Alsace et de la Lorraine à l’Allemagne, déclenchant ainsi une vague de contestations sur Internet, en particulier sur les réseaux sociaux.

Mais, qu’en est-il réellement, de ce Traité ?

Décryptage par Thibaut Fleury-Graff, professeur de droit à l’Université de Rennes 1.

« La France ne peut pas, dans un traité ou sur un simple accord, céder un territoire ou une région à un État étranger »

Quel est l’objet du Traité d’Aix-la-Chapelle, signé entre la France et l’Allemagne ?

Il s’agit d’un traité bilatéral on ne peut plus classique, comme la France en signe très régulièrement. Plus précisément, il s’agit d’un accord de coopération entre deux États, la France et l’Allemagne donc, dans un certain nombre de domaines, comme la Défense ou la Sécurité intérieure, qui sont actuellement au cœur des problématiques de ces deux États et, plus largement, de l’Union européenne. L’un des objectifs pour la France et l’Allemagne est d’ailleurs et aussi d’arriver à s’entendre sur une position commune au niveau de l’Union européenne dans certain de ces domaines.

Mais le Traité d’Aix-la-Chapelle est aussi un traité de coopération transfrontalière, qui, comme son nom l’indique, doit favoriser et faciliter la coopération des régions françaises et allemandes se partageant des frontières communes, l’Alsace et la Lorraine donc mais aussi les Länder situés de l’autre côté du Rhin.

L’objectif de ce Traité est ainsi, très simplement et très classiquement là encore, de faciliter les échanges et la mise en place de projets communs entre ces régions, et ce en divers domaines tels que la culture, l’économie, les transports, le développement durable, etc… Cela fait en outre bien longtemps que la France et l’Allemagne sont engagés dans ce type de coopération, ainsi qu’en témoigne, récemment, l’allongement de la ligne de tramway de Strasbourg, qui va désormais jusqu’à Kehl, de l’autre côté de la frontière franco-germanique. Cela a été rendu possible grâce à divers accords entre Paris et Berlin afin que cette coopération soit possible et formalisée (ce type de projet suppose en effet de s’entendre sur les financements de tels travaux, le droit applicable aux usagers du service, les responsabilités en cas d’accident, etc.). Au-delà de cet exemple, ce type de coopération existe de longue date – l’un des premiers exemples est l’adoption en….1980 de la Convention-cadre de Madrid sur la coopération transfrontalière. L’Espagne et la France sont ainsi et aussi liés par ce type d’accords, qui ont permis par exemple la création récente d’un hôpital franco-espagnol qui pallie le désert médical sur le plateau de Cerdagne, dans le Pyrénées.

 

La France peut-elle vendre un territoire ou une région à un État étranger comme cela a été évoqué ?

Si des traités tels que celui d’Aix-la-Chapelle avaient pour objet  de céder une partie du territoire français, alors il y a bien longtemps que les Pyrénées, la Savoie, l’Alsace ou la Lorraine, etc. ne seraient plus françaises tant les traités de coopération transfrontalières sont nombreux ! Or, et bien entendu, la France ne peut pas, d’un simple trait de plume dans un accord, céder un territoire ou une région à un État étranger. Il peut le faire, certes, mais il faut pour cela respecter de très strictes conditions et procédures.

Cela est tout particulièrement vrai des procédures constitutionnelles. Outre l’obligation de ratification du traité, qui passe par le Parlement, l’article 53 de la Constitution française dispose très expressément que « nulle cession, nul échange, nulle adjonction de territoire n’est valable sans le consentement des populations intéressées ». Aussi, l’État français ne pourrait en aucun cas céder une partie de son territoire  sans organiser un référendum pour sonder la population concernée quant à sa volonté de rejoindre un autre État, ou de devenir elle-même un État indépendant. Le cas récent de la Nouvelle-Calédonie l’illustre particulièrement bien : elle n’a pas été déclarée indépendante puisque, par voie de référendum, cette hypothèse a été rejetée.

De plus, concernant l’hypothétique et ubuesque cas de l’Alsace et de la Lorraine, on peut noter que l’article 29 de la Loi fondamentale allemande (Constitution) contient une disposition similaire à son homologue française : l’adjonction de l’Alsace ou de la Lorraine à un ou plusieurs Länder allemands ne pourrait avoir lieu que par référendum.

Pour aller plus loin :

Mission Opérationnelle Transfrontalière, Atlas de la coopération transfrontalière

Par Thibaut Fleury-Graff