Par Mathilde Hautereau-Boutonnet, Professeure de droit à l’Université Aix-Marseille

Un an après la présentation des propositions de la Convention citoyenne pour le climat, le projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et le renforcement de la résilience face à ses effets a été définitivement adopté par le Parlement le 20 juillet 2021.

Quel est le but de la loi ?

Aux termes du projet de loi (n°3875), le texte « vise à accélérer la transition de notre modèle de développement vers une société neutre en carbone, plus résiliente, plus juste et plus solidaire voulue par l’Accord de Paris sur le Climat ». Pour cela, le gouvernement – qui ne cesse de le répéter- entend faire entrer l’écologie dans le quotidien des Français. Il s’agit de transformer notre manière de consommer, produire, travailler, se déplacer, se loger, se nourrir et de renforcer la protection judiciaire de l’environnement. La nouvelle loi s’inscrit ainsi dans la continuité des lois écologiques votées durant les dernières années, et cela depuis les deux lois Grenelle de l’environnement (2008 et 2010). Qu’il s’agisse de la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire (2020), la loi relative à l’énergie et au climat (2019), la loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire (EGALIM, 2018), la loi portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (ELAN, 2018), ou encore la loi relative à la transition énergétique pour une croissance verte (2015), l’idée est la même : activer tous les leviers sociaux pour opérer la transition écologique et, à cette fin, mobiliser la société, acteurs publics et privés, consommateurs, propriétaires, agriculteurs, entreprises (…) pour modifier leurs comportements.

Quelles sont les principales mesures ?

Les dispositions principales adoptées intéressent sans surprise un grand nombre de secteurs, et sous l’angle des matières, autant le droit de la consommation que le droit de l’environnement, le droit immobilier, le droit du travail, le droit de l’urbanisme, le droit des collectivités territoriales et le droit de l’énergie.

Retenons : la création de l’obligation d’affichage de « l’impact environnemental des biens et services » ; l’interdiction de la publicité sur les énergies fossiles et, en 2028, sur les véhicules les plus polluants, le renforcement du contrôle des allégations environnementales ; l’obligation de prévoir un espace de vente en vrac (20% de la surface) dans certains commerces de vente au détail à partir de 2030 ; la création du dispositif des certificats de production de biogaz ; la fin de vente de certains véhicules polluants en 2030 ; l’interdiction des vols aériens dès lors qu’il existe une alternative en train d’une durée de deux heures trente ; l’obligation d’inscription à l’ordre du jour de l’assemblée générale des copropriétaires d’un projet de plan pluriannuel de rénovation ; la généralisation de l’interdiction d’augmenter le montant du loyer en cas de renouvellement d’un bail relatif à un logement classé F ou G ; l’interdiction de louer des logements F et G classés en logement non décent (selon différents échéanciers) ; la création d’une servitude de surplomb du fonds voisin en cas de travaux d’isolation thermique ; le renforcement du pouvoir des maires en matière de réglementation des espaces publicitaires ; la possibilité pour les régions d’instituer une écotaxe pour le transport routier de marchandises (2024) ; l’instauration de zones à faibles émissions (2025) ; l’instauration d’un menu végétarien hebdomadaire dans les écoles ; le renforcement des sanctions en matière de délinquance écologique.

Ces mesures représentent-elles une grande avancée dans la lutte contre le changement climatique ?

C’est l’opinion de la Ministre de la transition écologique. Il s’agirait d’une loi « unique au monde », une « grande loi écologique » opérant une « bascule culturelle ». Pourtant, il convient de largement nuancer les propos ! D’abord, un grand nombre de dispositions ne sont pas véritablement nouvelles. Il s’agit parfois de préciser des dispositions existantes (non augmentation des loyers concernant les passoires thermiques), de généraliser ou renouveler des dispositifs expérimentaux (menus végétariens et affichage écologique). Ensuite, pour beaucoup, les mesures ne sont pas immédiatement applicables sans que cela ne soit toujours bien justifié (interdiction de la publicité sur les véhicules polluants en 2028). Par ailleurs, la loi prévoit un grand nombre d’obligations à vocation incitative (interdire la location des logements indécents plutôt que d’imposer la rénovation avec l’appui de l’aide financière de l’État). Enfin et surtout (!), malgré le fait que l’article 1er de la loi affirme clairement le lien de filiation entre les mesures adoptées et les engagements de l’État en matière de lutte contre le changement climatique, à savoir la réduction de 40% de ses émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030, celles-ci n’ont convaincu ni le Haut conseil pour le climat, ni le Conseil économique social et environnemental et le Conseil national de la transition écologique. L’on peine alors à comprendre comment l’État pourra se conformer à l’injonction qui lui est faite, à la suite de sa condamnation par le Conseil d’État le 1er juillet dernier dans l’affaire Grande-Synthe, de « prendre toutes mesures utiles permettant d’infléchir la courbe des émissions de gaz à effet de serre produites sur le territoire national ». Est-ce à dire que la loi climat constitue uniquement une « loi blabla », selon la formule usitée par ses détracteurs (notamment Greenpeace France) ? Pas nécessairement si l’on considère que toute mesure susceptible de faire évoluer nos comportements dans la lutte contre le réchauffement climatique est importante et si l’on admet que, malgré l’urgence, le changement de modèle social implique de la douceur…

Voir aussi à propos de la loi climat :

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