Thomas Cook,  entreprise britannique du secteur touristique et spécialisé dans les voyages organisés s’est déclaré en faillite le lundi 23 septembre. Avec 22 000 salariés, dont 780 en France, les inquiétudes se sont aussi portées sur la continuité de ses filiales.
Le tribunal de commerce de Nanterre a ouvert le mardi 1er octobre une procédure collective de redressement judiciaire pour Thomas Cook France.

Décryptage par Nicolas Borga, Professeur de droit à l’Université Jean Moulin-Lyon 3.

« Si les filiales sont juridiquement autonomes, leur sort ne peut être dissocié de celui de leur actionnaire majoritaire »

L’entreprise est entrée en liquidation judiciaire avec effet immédiat. Qu’est-ce que cela signifie ?

Le 23 septembre 2019, une ordonnance de liquidation a été rendue contre Thomas Cook Group PLC, société mère du groupe Thomas Cook, mais également à l’égard d’autres sociétés de droit anglais qui lui étaient liées. La société mère du groupe ayant son siège social au Royaume-Uni, il est naturel que la procédure ait été ouverte sur le sol anglais et que l’on fasse ici application du droit anglais de l’insolvabilité. Le fait qu’elle soit, dans le cadre du droit anglais, placée en liquidation judiciaire avec effet immédiat signifie que son activité a cessé et que la procédure collective aura pour seul objectif une réalisation des actifs dans les meilleures conditions possible afin de désintéresser les créanciers, tout du moins certains d’entre eux.

Compte tenu de la taille de l’entreprise et du fait que son insolvabilité affecte le marché intérieur européen, cette procédure va très vraisemblablement être soumise au règlement n° 2015/848 du 20 mai 2015 qui, pour l’heure, continue de s’appliquer au Royaume-Uni. Ce texte va permettre une coordination très utile à l’échelle européenne. Cela n’aurait pas été le cas si le Brexit avait d’ores et déjà produit ses effets puisque le considérant 25 du règlement prévoit que le texte européen s’applique « uniquement aux procédures concernant un débiteur dont le centre des intérêts principaux est situé dans l’Union ».

Si le règlement du 20 mai 2015 a ici vocation à s’appliquer, une difficulté de droit transitoire pouvant survenir si un Brexit dur intervient avant clôture de la procédure, il faut insister sur le fait que ce texte est un outil de coordination à l’échelle internationale mais que, pour autant, c’est le droit anglais de l’insolvabilité qui va gouverner la procédure de liquidation de la société mère.

Quelle est l’incidence de cette procédure sur le sort des filiales de la société-mère anglaise ?

Les filiales implantées à l’étranger sont juridiquement indépendantes de la société mère immatriculée au Royaume-Uni. Le raisonnement serait différent en présence de succursales ou d’établissements, ces entités n’ayant pas la personnalité morale. Si les filiales sont juridiquement autonomes, leur sort ne peut, dans les faits, être totalement dissocié de celui de leur actionnaire majoritaire, Thomas Cook PLC. Il n’est donc pas surprenant d’observer que nombre de filiales ont d’ores et déjà sollicité, dans l’État où elles sont immatriculées, l’ouverture d’une procédure permettant de traiter leurs difficultés économiques. Ainsi, en Allemagne, c’est la filiale locale de Thomas Cook PLC mais également la compagnie aérienne Condor qui ont demandé l’ouverture d’une procédure collective. La filiale française a fait de même le 1er octobre 2019 auprès du tribunal de commerce de Nanterre.

Concrètement, les différentes filiales vont être soumises à une procédure collective relevant non pas du droit anglais, mais de la loi de l’Etat au sein duquel elles sont immatriculées. Pourtant, les praticiens de l’insolvabilité désignés chacune des procédures vont devoir coopérer les uns avec les autres alors même que les procédures sont supposées indépendantes et qu’un droit national différent s’applique en fonction de la localisation de la société. La société mère peut fort bien être liquidée alors qu’une solution de redressement pourrait être imaginée à l’échelle de certaines filiales, mais il n’en demeure pas moins que les liens capitalistiques, et plus généralement juridiques et financiers, existant entre la société mère et les entités locales excluent un fonctionnement en vase clos.

Compte tenu de la taille du groupe et de sa dimension internationale, il est fort probable qu’un très grand nombre de procédures d’insolvabilité soient ouvertes à la suite de la liquidation de la société mère et bien au-delà des seules filiales. Il faut en effet avoir à l’esprit la situation de toutes les entreprises très dépendantes de Thomas Cook, et notamment dans le secteur hôtelier.

La filiale française a annoncé mardi son placement en redressement judiciaire. En quoi cela consiste-t-il et à quoi peut-on s’attendre ?

Le placement de la filiale française en redressement judiciaire signifie qu’elle est en état de cessation des paiements, et qu’elle ne peut donc faire face à son passif exigible avec son actif disponible (art. L. 631-1 C. com.). Pour autant, toute perspective de retournement n’est pas exclue. Dans un tel contexte, deux solutions sont concrètement imaginables.

Il est tout d’abord possible de travailler à une cession de l’entreprise (art. L. 642-1 et s. C. com.). Les actifs essentiels de l’entreprise ainsi qu’une partie plus ou moins importante des salariés vont alors être transférés à un repreneur, lequel devra s’acquitter d’un prix de cession mais n’aura toutefois pas à supporter le poids du passif de la filiale française.
Une fois la cession opérée, la filiale française aura en principe vocation à faire l’objet d’une liquidation judiciaire. Ensuite, on peut également imaginer que les titres de capital de la filiale française, détenus par Thomas Cook PLC, soient cédés à un tiers dans le cadre de la procédure de liquidation ouverte au Royaume-Uni.

Un nouvel actionnaire prendra alors le contrôle de la filiale française et cherchera à faire adopter par le tribunal de commerce, un plan de redressement de l’entreprise. Le choix entre l’une ou l’autre des solutions dépend concrètement des données financières du dossier et de l’intérêt que pourra avoir un repreneur à opter pour une cession des titres.

Pour aller plus loin :

Par Nicolas Borga.