Le 23 septembre dernier, le sommet de l’ONU a sonné la mobilisation générale pour le climat à New York. Investisseurs mais également entreprises ont répondu à l’appel d’Antonio Guterres, le Secrétaire général des Nations-Unies mais aussi à celui des millions de manifestants dans la rue. Pendant le Sommet, seize jeunes, dont l’activiste suédoise Greta Thunberg, ont décidé de lancer une action en justice contre cinq pays, dont la France, pour inaction climatique.

Décryptage par Marta Torre-Schaub, Directrice de recherche au CNRS à l’Institut des sciences juridique et philosophique de la Sorbonne, Université Paris 1 et Directrice du Réseau Droit et Changement climatique, GDR ClimaLex.

Pour faire pression contre les gouvernements, Greta Thunberg et les ONG qui la soutiennent ont décidé de pointer la violation des droits des enfants du fait de l’inaction des Etats face au changement climatique 

Quels sont les engagements pris lors du Sommet de l’ONU sur le climat ? Auront-ils une force contraignante ?

Le 23 septembre dernier s’est tenu le Sommet d’action climat convoqué par le Secrétaire général des Nations-Unies, Antonio Guterres, qui visait à renforcer l’ambition mondiale en matière de climat. Dans son cahier de charges, le Sommet devait offrir aux pays et à leurs dirigeants un espace politique leur permettant d’intervenir et d’annoncer des initiatives solides en matière climatique. En rappelant l’objectif fixé par l’Accord de Paris de maintenir la température mondiale bien en dessous de 2 ° C par rapport aux niveaux préindustriels et de poursuivre les efforts visant à limiter l’élévation de température à 1,5 ° C, l’année 2020 est ainsi une année critique pour l’ambition climatique parce que l’Accord exige des pays qu’ils fournissent une mise à jour de la contribution déterminée au niveau national (NDC) et d’une stratégie à long terme pour 2050. Alors que plusieurs Etats ont décrété l’état d’urgence climatique, on a vite constaté un manque de  leadership politique qui n’est pas parvenu à répondre à l’inquiétude grandissante entourant le climat et à ses impacts ainsi qu’à la demande croissante de la part de la société civile d’avoir davantage d’actions ciblées. Parmi les résultats de ce Sommet on peut citer les suivants :

-77 pays se sont engagés à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre à zéro net d’ici 2050.

– 70 pays ont annoncé qu’ils renforceraient leurs plans d’action nationaux d’ici 2020 ou qu’ils avaient entamé le processus pour les concrétiser.

– Plus de 100 dirigeants d’entreprises ont pris des mesures concrètes pour s’aligner sur les objectifs de l’Accord de Paris et accélérer la transition de l’économie grise à l’économie verte.

– Plus de 100 villes, dont certaines parmi les plus grandes du monde, ont annoncé d’importantes et nouvelles mesures concrètes pour lutter contre la crise climatique.

– 12 pays assument des engagements financiers avec le Fonds vert pour le climat.

– L’Inde s’est engagée à augmenter la capacité d’énergie renouvelable à 175 GW d’ici 2022 et à poursuivre son expansion jusqu’à 450 GW.

– La Chine annonce qu’elle réduirait les émissions de gaz à effet de serre de plus de 12 milliards de tonnes par an et qu’elle suivrait une trajectoire de croissance de haute qualité et de développement à faible émission de carbone.

– La France annonce qu’elle ne signera aucun nouvel accord commercial avec des pays ayant une politique contraire à l’Accord de Paris.

– L’Union européenne annonce qu’au moins 25% du prochain budget de l’UE seront consacrés à des activités liées au climat.

– La Fédération de Russie annonce qu’elle ratifiera l’Accord de Paris, de sorte que le nombre de pays qui y auront adhéré sera porté à 187.

Toutefois, et puisque le grand absent sont les États-Unis, face à ce vide, l’Union européenne doit se placer à l’avant-garde de l’action climatique internationale. Cela ne semble pourtant pas avoir été le cas puisque les États membres de l’Union ne sont pas parvenus à un consensus sur une date pour atteindre le chiffre zéro émission. Reste que les États membres, de manière individuelle, pourront encore montrer la voie. Pour certains comme la France et le Royaume-Uni, des engagements sur l’objectif de la neutralité carbone d’ici 2050 ont déjà été pris. Trois des quatre pays ayant les plus grands projets d’expansion du charbon – l’Inde, la Chine et la Turquie – ont été invités à prendre la parole lors du Sommet, mais aucun d’entre eux ne s’est fermement engagé à abandonner cette source d’énergie polluante et d’émissions élevées de gaz responsables du changement climatique. Malgré quelques résultats positifs obtenus, le Sommet a sans doute manqué d’efficacité pour persuader les États de prendre plus d’engagements et d’entreprendre davantage d’actions en faveur du climat.

Seize jeunes, dont la militante suédoise,  Greta Thunberg, ont annoncé ce lundi 23 septembre une nouvelle offensive, sur le terrain juridique contre cinq pays dont la France. Sur quels fondements ? Aura-t-elle une chance d’aboutir ?

Greta Thunberg, accompagnée de 15 autres enfants a déposé une déclaration contenant une plainte devant le Comité des droits de l’enfant des Nations Unies. Il ne s’agit nullement d’une plainte en justice devant un juge mais d’une déclaration pointant la violation des droits des enfants du fait de l’inaction des États par rapport au changement climatique. La déclaration attaque 5 pays : la France, l’Allemagne, l’Argentine, la Turquie et le Brésil.

Dans cette plainte, Greta Thunberg est soutenue par l’ONG Earth Justice et un cabinet d’avocats. Le fondement de la déclaration est bien celui du Protocole des Nations Unies sur les droit de l’enfant signé en 2011 et entré en vigueur en 2014, dénommé le troisième Protocole.

Les suites éventuelles de la plainte ne feront rien risquer à la France sur le plan juridique, du moins pas dans l’immédiat. Le Comité pourra ouvrir une enquête, qui devra chercher si dans ces 5 pays ciblés par la plainte il y a bel et bien une violation grave ou systématique des droits des enfants. Une fois l’enquête finie –ce qui pourra prendre plusieurs années-, le Comité émettra un avis sous forme de recommandation, afin que, dans le cas éventuel où il y aurait violation de ces droits précis, des mesures soient prises par les différents gouvernements pour que cela cesse.

Dans la mesure où il n’est nullement constaté qu’il y ait violation des droits des enfants en France en lien avec le changement climatique, il est dès lors extrêmement improbable que la plainte aboutisse à une condamnation de la France sur la base de ce Protocole.

Pourquoi ont-ils décidé d’attaquer la France et non les États unis ou la Chine qui sont des pollueurs plus importants ?

Il s’agit d’un Protocole facultatif –autrement dit- certains États ne l’ont pas adopté, par exemple les États-Unis, la Chine ou encore l’Inde. Ce qui explique la raison pour laquelle la plainte devant le Comité des droits de l’enfant déposée par Greta Thunberg lundi dernier, ne vise pas ces pays. Le Comité peut recevoir des plaintes des enfants, de groupes d’enfants ou de leurs représentants uniquement contre les États ayant ratifié le Protocole. Le Comité, à son tour, peut ouvrir d’office des enquêtes contre des violations de ces droits à condition qu’elles soient graves ou systématiques. Parmi les États les plus émetteurs de CO2, il fallait trouver ceux qui avaient ratifié ledit Protocole. Les 5 pays attaqués dans cette plainte déclaratoire y figurent parmi les signataires.

La France a également été visée car elle fait partie du G20, organisme qui exerce une grande influence dans l’architecture géopolitique et diplomatique mondiale. La Plainte de lundi dernier cherche bien à faire pression au niveau mondial contre les pays qui pourront avoir une certaine influence sur le plan international. Greta Thunberg et les ONG qui la soutiennent, ont trouvé d’autres moyens de faire pression contre les gouvernements en passant cette fois-ci par le Comité des droits des enfants des Nations Unies. Il est certain que dans les prochains mois, ce genre d’action va se multiplier et qu’ils trouveront encore d’autres formes de mobilisation du droit.

Pour aller plus loin :

Par Marta Torre-Schaub.