Par Elise Letouzey, Maître de conférences à l’Université d’Amiens

Le viol suivi du meurtre d’une jeune fille mineure avoué la semaine dernière par un suspect qui a déjà été condamné en 2005 à 18 ans de réclusion criminelle pour viols interroge sur la récidive des auteurs d’infractions sexuelles et sur l’arsenal répressif qui peut être mobilisé par la justice.

Quelles sont les réalités de la récidive en matière de viol ?

L’enjeu de la récidive légale est complexe car le sens courant que l’on donne à la récidive, à savoir le fait de commettre une nouvelle infraction après avoir été condamné, correspond en droit à une réalité étroite et définie par la loi. Plus précisément, la récidive légale en droit français consiste en la commission d’une nouvelle infraction identique dans un délai déterminé, par exemple cinq années. Toutefois, plus les faits sont graves, plus les règles de la récidive sont élargies.

En matière criminelle, en l’occurrence pour des faits de viols, on dit que la récidive est générale, c’est-à-dire que l’auteur sera considéré comme étant récidiviste, s’il commet un autre crime, quel qu’il soit, et peu importe la durée séparant les crimes. Dans cette affaire, le suspect déjà définitivement condamné pour des crimes de viols, s’il est de nouveau condamné pour viol, sera récidiviste au sens de la loi.

Sur le plan statistique, les derniers chiffres disponibles en la matière conduisent à constater que le taux de récidive légale est assez faible en matière de crimes sexuels, c’est-à-dire que les condamnations pour viols concernent environ 5,5% des cas des récidivistes.

Quelles sont les mesures qui peuvent être prises pour prévenir le risque de récidive ?

Les auteurs de crimes sexuels encourent différentes mesures au moment de la décision de condamnation puis au moment de la libération. En vue de lutter contre la récidive, le législateur a notamment recouru à un enfermement qui peut être long, mais aussi à des peines qui peuvent être variées. La cour d’assises qui prononcera la peine peut prononcer des peines complémentaires qui vont s’ajouter à l’emprisonnement et qui consistent, par exemple, en l’interdiction d’entrer en contact avec des mineurs, de quitter le territoire, ou encore d’exercer une fonction publique ou la profession à l’occasion de laquelle les faits ont été commis.

La loi prévoit également la faculté de prononcer un suivi accru afin de lutter contre la récidive au moyen du suivi socio-judiciaire. Ces mesures d’assistance et de surveillance peuvent être décidées par la cour d’assises et sont mises en œuvre sous le contrôle du juge d’application des peines lors de l’exécution de la peine d’incarcération et après celle-ci. Ces mesures prononcées en plus de la peine peuvent durer jusqu’à trente ans en cas de viol aggravé et sont adaptées à la situation de l’auteur. Elles permettent d’assurer le suivi physique ou psychique du condamné au moyen d’une injonction de soin, ou encore un suivi social en vue de sa réinsertion professionnelle, comme une sorte de mise à l’épreuve. De même, peut être décidé le placement sous surveillance électronique mobile, c’est-à-dire le port d’un bracelet électronique par le condamné. S’il est difficile d’envisager une injonction de soin sans le consentement de l’intéressé, la loi prévoit de manière dissuasive que le refus de se soumettre aux soins est passible d’un emprisonnement.

En revanche, le traitement médicamenteux inhibiteur de libido ne peut, lui, être prononcé qu’avec l’accord du condamné. Ce suivi est donc prononcé sur mesure, mais aussi selon les moyens disponibles et l’évaluation qui peut être faite du risque de récidive.

En outre, depuis 2008, la loi prévoit en matière de crime sexuel sur mineur une mesure de rétention de sûreté qui existe dans d’autres pays comme en Allemagne. Les personnes condamnées à une peine de réclusion criminelle d’une durée égale ou supérieure à quinze années pour viol commis sur une victime mineure peuvent faire l’objet, à l’issue de leur peine, dans les conditions déterminées par la loi, d’une rétention de sûreté si elles présentent une particulière dangerosité caractérisée par une probabilité très élevée de récidive parce qu’elles souffrent d’un trouble grave de la personnalité. Cela signifie qu’à l’issue de la peine, une commission pluridisciplinaire se prononcera sur la dangerosité du condamné et pourra décider d’une mesure privative de liberté après la peine pour éviter la récidive.

Quelles sont les peines encoures par le suspect en cas de condamnation ?

Cette terrible affaire relève des infractions les plus graves du Code pénal, à savoir le viol et le meurtre. L’accusé sera jugé par une cour d’assises avec un jury populaire, les faits de viols étant trop graves pour relever de la compétence des nouvelles cours criminelles sans jurés citoyens qui sont aujourd’hui instituées à titre expérimental et qui ne comportent que des magistrats professionnels pour juger des crimes.

De tels faits devront être précisément qualifiés au regard des circonstances aggravantes. En effet, selon la qualification retenue, pourront être retenues les qualifications de viol aggravé (article 222-25 du Code pénal) ou bien de meurtre précédé ou accompagné d’un autre crime (article 221-2 du Code pénal).

L’auteur de tels faits encourt, lorsqu’il est en état de récidive, une peine de réclusion criminelle à perpétuité. Cette peine pourra être assortie (comme lors de la première condamnation) d’une période de sûreté pouvant aller jusqu’à 22 ans, c’est-à-dire d’un temps d’incarcération incompressible durant lequel aucune mesure d’aménagement de la peine comme la libération conditionnelle n’est possible. En outre, une mesure de rétention de sûreté pourra être envisagée si la peine est au moins égale à 15 ans. Si elle est prononcée, l’auteur sera privé de liberté après avoir exécuté sa peine car il sera considéré comme dangereux, c’est-à-dire présentant un risque de nouvelle récidive.

L’arsenal répressif est donc très important. Il s’est développé durant les vingt dernières années, souvent en réponse à un fait divers dramatique. Toutefois, si le risque zéro n’existe pas, les instruments de mesure de la dangerosité impliquant une approche pluridisciplinaire ainsi que les moyens à disposition de la justice appellent à être renforcés.

Pour aller plus loin

Le relevé statistique des condamnations en 2018 et du taux de récidive

Réponse à une question au gouvernement sur la prise en charge des auteurs récidivistes d’infractions graves de nature sexuelle