Par Philippe Bonfils, Professeur à Aix-Marseille Université, Doyen honoraire de la faculté de droit et de science politique, Avocat au barreau de Marseille

La loi du 26 février 2021 a ratifié l’ordonnance du 11 septembre 2019 portant partie législative du Code de la justice pénale des mineurs. Cette réforme vient abroger l’ordonnance du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante et prévoit de nouvelles dispositions au sujet des mineurs.

La loi n° 2021-218 du 26 février 2021 ratifiant l’ordonnance n° 2019-950 du 11 septembre 2019 portant partie législative du Code de la justice pénale des mineurs vient d’être publiée. Quel est l’objet de ce texte ?

En application de l’article 38 de la Constitution, l’article 93 de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 avait habilité le Gouvernement à réformer le droit pénal des mineurs par voie d’ordonnance, bien que la matière pénale soit dans le domaine de la loi. C’est ainsi qu’avait été adoptée la partie législative du Code de la justice pénale des mineurs, par l’ordonnance n° 2019-950 du 11 septembre 2019. Mais ce texte devait encore être ratifié par le Parlement. Un projet de loi avait été déposé fin 2019, mais l’examen du texte avait dû être repoussé en raison de l’état d’urgence sanitaire. La loi du 26 février 2021 a donc pour objet de ratifier la partie législative du code de la justice pénale des mineurs, et de finaliser le processus d’adoption de ce nouveau droit. Il est à noter que le Parlement ne s’est pas contenté de voter le projet de loi de ratification et que, au contraire, l’examen du texte a été l’occasion pour les députés et les sénateurs d’apporter des modifications et corrections au texte initial. Le choix de réaliser une réforme d’ampleur de la matière par voie d’ordonnance, et donc sans véritable débat démocratique avait été à juste titre largement décrié, et on peut se féliciter que, sous l’impulsion notamment des rapporteurs du texte à l’Assemblée comme au Sénat, l’examen de la loi de ratification ait permis au Parlement d’exercer sa mission, même si bien évidemment les modifications apportées sont relativement réduites.

Quels sont les principaux apports de la loi ?

La loi contient 18 articles qui eux-mêmes modifient généralement plusieurs dispositions ; aussi, on signalera ici seulement les apports les plus significatifs.

D’abord, la loi insère une référence bienvenue à l’intérêt supérieur de l’enfant dans l’article préliminaire du Code de la justice pénale des mineurs, et cette notion est ainsi appelée à constituer la boussole du code. Ensuite, le texte complète l’article L. 11-1 relatif à la responsabilité pénale des mineurs et à la présomption de discernement à l’âge de 13 ans, par une définition du discernement inspirée par la jurisprudence (Crim., 13 décembre 1956, arrêt Laboube) : « est capable de discernement le mineur qui a compris et voulu son acte et qui est apte à comprendre le sens de la procédure pénale dont il fait l’objet ».

S’agissant des mesures encourues, la loi nouvelle achève également l’évolution consistant à permettre, malgré la primauté de l’éducation sur la répression, le cumul généralisé entre toutes les mesures éducatives (art. L. 112-3 CJPM). Par ailleurs, sur le plan de la procédure, la loi supprime la limitation qui existait jusqu’alors pour l’obligation de l’assistance par un avocat dans le cas de l’audition libre des mineurs (art. L. 412-2 CJPM). Surtout, plus fondamentalement, le texte revient sur la détermination du juge compétent pour prononcer une détention provisoire dans le cadre de la césure en matière correctionnelle. Le code donnait initialement compétence au juge des enfants, qui, dans le même temps, perdait la capacité d’instruire. La loi de ratification revient sur cette compétence et effectue une distinction, selon le moment auquel se pose la question de la détention provisoire : lorsque la détention est requise dans la foulée du défèrement, c’est-à-dire avant même la première audience d’examen de la culpabilité, c’est finalement le juge des libertés et de la détention qui sera compétent, et non plus le juge des enfants ; en revanche, si la détention provisoire est envisagée lors de l’audience d’examen de la culpabilité, ou a fortiori plus tard pendant la période de mise à l’épreuve éducative, le juge des enfants reste compétent en matière de détention provisoire. En revanche, dans le cadre de l’instruction, le code n’apporte pas de modification : le juge des libertés reste seul compétent.

Quand rentrera en vigueur le Code ?

Initialement, le Code aurait dû entrer en vigueur le 1er octobre 2020, mais la pandémie a conduit à reporter cette entrée en vigueur d’abord au 31 mars 2021, puis, par la présente loi de ratification, au 30 septembre 2021. D’ici cette date, le Gouvernement devrait finaliser et publier la partie règlementaire du code. C’est une réforme d’ampleur qui arrive, venant abroger la fameuse ordonnance du 2 février 1945. Il est donc important qu’en attendant l’entrée en vigueur du code de la justice pénale des mineurs, les praticiens puissent avoir le temps de prendre connaissance du nouveau droit pénal des mineurs, et, si ce n’est encore fait, de s’y former. Cela étant, même après son entrée en vigueur, le code de la justice pénale des mineurs ne se substituera pas immédiatement à l’ordonnance de 1945. Le dispositif de droit transitoire prévu par l’article 10 de l’ordonnance du 11 septembre 2019, légèrement modifié par la loi de ratification, nécessite de distinguer selon la date des poursuites : pour les poursuites engagées après l’entrée en vigueur du code, seul le code sera applicable ; mais pour les poursuites engagées avant l’entrée en vigueur du code, la procédure se poursuivra sous l’ordonnance de 45, mais les mesures éducatives et les mesures de sûreté pourront s’appliquer immédiatement, lorsqu’elles seront plus favorables.