Par Sandrine Maljean-Dubois, Directrice de recherche au CNRS, Aix Marseille Université (CERIC-DICE)

La COP 26 sur les changements climatiques s’est tenue à Glasgow, au Royaume-Uni, du 1er au 13 novembre 2021. Il s’agissait plus précisément de la 26e Conférence des parties à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques de 1992, de la 16e réunion des Parties au Protocole de Kyoto de 1997 et de la 3e réunion des Parties à l’Accord de Paris (2015). Reportée d’un an pour cause de pandémie, la réunion internationale s’est tenue dans des conditions sanitaires encore difficiles, qui ont limité l’accès de nombreuses délégations et des observateurs, contraints pour beaucoup de suivre les débats en ligne. Le bilan de cette grand-messe est, comme souvent, en demie teinte.

Quels étaient les enjeux de la COP 26, présentée par beaucoup comme la « COP de la dernière chance » ?

La COP n’était peut-être pas celle de la dernière chance, mais elle avait un double objectif majeur : le rehaussement de l’ambition des politiques climatiques et la finalisation des règles d’application de l’Accord de Paris (le « rule book »).

S’agissant de l’ambition, les États étaient appelés à réviser ou actualiser, au 1er juillet 2021, leurs contributions nationales, lesquelles formalisent leurs engagements en termes de réduction d’émissions de gaz à effet de serre. Plusieurs études ont montré cet automne que ces engagements étaient insuffisants. En particulier, l’analyse du secrétariat de l’Accord de Paris a montré qu’ils conduisaient à 2,7°C d’augmentation moyenne des températures d’ici la fin du siècle, bien loin des objectifs posés dans l’Accord de Paris. Or, les années qui viennent seront cruciales pour atteindre ces objectifs. Sans infléchissement notable et rapide, cela va devenir tout bonnement impossible.

S’agissant du rule book, l’essentiel a été adopté lors de la COP 24 à Katowice en 2018, mais certains détails, trop conflictuels, n’avaient pu l’être, et ne l’avaient pas non plus été à la COP 25 à Madrid. Il était temps de se mettre d’accord pour que l’Accord de Paris soit enfin pleinement applicable, dans tous ses dispositions et mécanismes.

Sur l’ambition climatique, comment évaluez-vous le bilan de cette COP ?

Les engagements des États demeurent insuffisants et leur application est plus qu’incertaine. Pourtant, la COP a marqué des progrès certains. On a assisté durant les deux semaines à la constitution de nombreuses coalitions et alliances (par exemple une Déclaration mondiale sur la transition du charbon à l’énergie propre, un Forest Deal sur la lutte contre la déforestation, une Coalition pour la fin du financement des énergies fossiles à l’étranger incluant gaz et pétrole sans dispositif de capture, un Pacte global pour le méthane, une Beyond Oil and Gas Alliance, sans compter une ambitieuse déclaration conjointe « surprise » de la Chine et des États-Unis sur le renforcement de l’action climatique dans les années à venir…). Ces engagements politiques, pris en marge des négociations officielles, ont pu agacer parce que formant des attelages hétéroclites, ne regroupant pas forcément les principaux acteurs concernés, par l’absence de tout contrôle ou mécanisme d’accountability ainsi que le manque d’articulation avec les engagements des États dans le cadre de l’Accord de Paris. « Bla bla bla » a considéré Greta Thunberg. Pourtant, à y regarder de plus près, ces alliances ont insufflé de l’ambition. D’une part, des États absents à l’origine les rejoignent et les alliances s’élargissent. D’autre part, la principale décision de la COP (1/CMA.3) se réfère – c’est une première – à la diminution des énergies fossiles et à l’élimination des subventions aux fossiles (« the phasedown of unabated coal power and phase-out of inefficient fossil fuel subsidies »), de même qu’à l’importance de réduire les émissions de méthane. Certes, les formules ont été affaiblies par rapport aux propositions initiales de la présidence, mais les choix énergétiques des États, jusqu’ici non négociables, font maintenant partie des discussions internationales. Ils seront à l’agenda des prochaines COPs et on peut espérer qu’elles aillent plus loin. La décision est par ailleurs très claire sur l’importance de maintenir l’augmentation à 1,5°C (un objectif qui n’était qu’aspirationnel dans l’Accord de Paris) et la nécessité d’adopter des mesures rapides, profondes et durables. Reconnaissant l’urgence, la décision lance un appel à une nouvelle révision des contributions nationales dès l’année prochaine, au lieu d’attendre 2024. Bref, le sujet de l’ambition n’est pas réglé, mais cela avance.

S’agissant des détails techniques à régler, la COP a-t-elle réussi à trouver un accord ?

La COP est effectivement parvenue à finaliser le rule book de l’Accord de Paris, en prenant des décisions assez équilibrées notamment sur des calendriers communs pour les contributions nationales, le cadre de transparence ou les marchés du carbone. Un groupe d’experts de haut niveau va aussi être mis en place pour examiner les engagements des acteurs non étatiques. De ce point de vue, plus rien ne s’oppose à la pleine mise en œuvre de l’Accord de Paris.

En revanche, les pays du Nord ont déçu les pays du Sud sur la question des financements et des pertes et préjudices causés par les changements climatiques. Il a été décidé à Paris qu’un nouvel objectif plancher pour les financements climatiques, au-delà de celui fixé en 2009 de 100 milliards de dollars annuels en 2020 (objectif qui devrait être atteint plutôt en 2022 ou 2023) devra être fixé avant 2025. Les négociations promettent d’être difficiles. La décision adoptée à Paris prévoyait aussi que « La fourniture de ressources financières accrues devrait viser à parvenir à un équilibre entre l’adaptation et l’atténuation ». En pratique, l’essentiel des financements est allé jusqu’ici à l’atténuation, alors que les coûts de l’adaptation vont croissant. Les pays africains y consacreraient déjà 10% de leur PIB. Ici, les pays du Sud ont obtenu que la décision de Glasgow appelle à un doublement des financements pour l’adaptation avant 2025. À côté du relèvement de l’ambition, ces sujets épineux seront au cœur de la prochaine COP, fin 2022, en Égypte, et probablement des suivantes.