Le projet de loi de finances 2020 est arrivé ce lundi à l’Assemblée nationale. Dévoilé par le gouvernement le mois dernier, l’exécutif tente de répondre en priorité « à l’urgence économique et sociale » qui a été révélée par la crise des gilets jaunes ces derniers mois.
La semaine dernière, les questions de fiscalité verte se sont également invitées dans les débats de la commission des finances de l’Assemblée. Le sujet devrait monter un peu plus encore en séance cette semaine.

Décryptage par Alexandre Maitrot de la Motte, Professeur à la Faculté de droit de l’université Paris-Est Créteil, Directeur du Master Droit Fiscal, spécialité fiscalité appliquée, Premier vice-président de la ComUE Université Paris-Est.

« Si un travail de révision des niches est indispensable, il faut constater que le projet de loi reste timide à leur égard »

Quelles sont les mesures marquantes du projet de loi de finances de 2020 en matière d’imposition des particuliers ?

Si aucune réforme structurelle du système fiscal français n’est envisagée par le projet de loi de finances pour 2020, ce dernier prévoit, à la suite des annonces faites par le Président de la République le 25 avril 2019, une baisse inédite des impôts directs pesant sur les classes moyennes et populaires. Une baisse de l’impôt sur le revenu devrait ainsi intervenir au moyen de plusieurs mesures, dont la réduction du taux de la première tranche imposable (de 14 % à 11 %, à l’exception des ménages dont les taux marginaux d’imposition atteignent 41 % ou 45 %) et le renforcement du mécanisme de décote (mécanisme permettant de réduire ou d’éviter les effets de seuil pour les foyers les plus faiblement imposés). Outre ces dispositifs qui devraient réduire le rendement de l’impôt sur le revenu de 5 milliards d’euros et concerner 17 millions de foyers fiscaux, le projet de loi de finances prévoit la suppression de la taxe d’habitation sur les résidences principales pour 80 % des ménages. La suppression de la taxe d’habitation concernant les 20 % des ménages les plus aisés devrait ensuite se déployer jusqu’en 2023.

D’autres mesures sont destinées à simplifier les modalités de déclaration et de paiement de l’impôt sur le revenu. Certains contribuables dont les déclarations préremplies ne nécessitent aucune rectification devraient ne plus avoir à effectuer la moindre démarche (déclarations tacites). Et des améliorations devraient être apportées au mécanisme de prélèvement à la source, notamment pour les emplois à domicile. Ces mesures seront accompagnées par une réduction progressive du décalage qui existe, dans le secteur des services à la personne, entre le moment où une dépense est réalisée et celui de la perception des différentes aides à l’emploi.

Un projet controversé doit être signalé. Il s’agit de la possibilité, pour les administrations fiscale et douanière, de collecter et d’exploiter les données rendues publiques sur les sites internet des réseaux sociaux et des opérateurs de plateforme.

Enfin, il est symboliquement envisagé que les dirigeants des grandes entreprises françaises soient automatiquement domiciliés en France d’un point de vue fiscal. Cette mesure pourrait toutefois être mise en échec par les conventions fiscales internationales liant la France et d’autres États.

Qu’en est-il des « niches fiscales » ?

Si un travail de révision des « niches fiscales », c’est-à-dire des différents dispositifs techniques (exonérations, abattements, taux réduits, crédits d’impôts, etc.) permettant de réduire l’impôt normalement dû, est indispensable, il faut constater que le projet de loi de finances reste timide à leur égard. À l’heure actuelle existent en effet 457 niches fiscales, dont le coût représente près de 100 milliards d’euros.

Parmi les mesures destinées à les réduire doivent être mentionnés un aménagement de la réduction d’impôt en faveur du mécénat pour les grandes entreprises et la suppression de plusieurs autres dépenses fiscales peu connues du grand public : l’exonération de certains bénéfices d’exploitation de terrains dans les départements d’outre-mer, la réduction d’impôt accordée en cas d’achat par une entreprise d’un trésor national, l’exonération de TVA relative à la mise en valeur agricole de terres dans les DOM, l’exonération des résultats provenant d’opérations dans une zone d’aménagement concerté, ou l’exonération des droits d’enregistrement des actes de constitution et de dissolution des sociétés de bains-douches et des sociétés coopératives artisanales.

Première dépense fiscale dès lors que le CICE (crédit d’impôt en faveur de la compétitivité et de l’emploi) a été supprimé, le crédit d’impôt recherche (CIR, près de 6 milliards d’euros) ne fait l’objet que d’ajustements relatifs au calcul des frais de fonctionnement. Aucune réforme n’est envisagée au-delà : pour le ministre des Finances, en effet, « Toucher au CIR serait une erreur politique stratégique ».

Nonobstant ces suppressions, le bilan global reste favorable aux entreprises dès lors que l’article 11 du projet de loi envisage une poursuite de la trajectoire de baisse de l’impôt sur les sociétés. Pour les entreprises dont le chiffre d’affaires est inférieur à 250 millions d’euros, le taux de cet impôt devrait ainsi être ramené à 28 % en 2020, à 26,5 % en 2021, et à 25 % en 2022. Pour les grandes entreprises, la trajectoire de baisse est légèrement différente.

Le gouvernement semble avoir abandonné l’idée de la taxe carbone. Le thème de l’environnement est-il néanmoins abordé par le projet de loi de finances pour 2020 ?

Mise en place depuis 2014, la Contribution Climat-Énergie (dite « taxe carbone »), qui est une des composantes des taxes intérieures de consommation pesant sur les combustibles fossiles et qui s’applique de manière proportionnelle à leur contenu carbone, devrait ne pas augmenter en 2020. Mais cela ne signifie pas que le thème de l’environnement n’est pas abordé par le projet de loi de finances pour 2020.

Outre la transformation en une prime du crédit d’impôt pour la transition énergétique (CITE, destiné à favoriser la rénovation énergétique des logements), le projet de loi entend renforcer l’efficacité de la prime conversion automobile et du bonus automobile, tout en les ciblant davantage les ménages modestes. Les conditions de remboursement partiel de taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) aux personnes qui exercent l’activité de transport routier de marchandises devraient également être moins favorables aux fins de permettre leur meilleure participation au financement des infrastructures. Enfin, les taxes sur les véhicules à moteur devraient être refondues ; la taxe sur les billets d’avion au profit de l’Agence de financement des infrastructures de transport de France devrait augmenter ; et le régime fiscal du gaz naturel devrait être rationalisé.

En définitive, le projet de loi de finances pour 2020 n’annonce pas de grand soir fiscal.

Pour aller plus loin :

Par Alexandre Maitrot de la Motte.