Le Parlement européen a voté, mercredi 12 septembre, en faveur du rapport de l’eurodéputée néerlandaise Judith Sargentini sur la politique menée en Hongrie. Cela engendre ainsi la demande des eurodéputés aux États européens de déclencher l’article 7 du Traité sur l’Union européenne à l’encontre de la Hongrie.

Décryptage par Laurence Burgorgue-Larsen, professeur de droit à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne.

« Le Conseil de l’Union va instamment demander à la Hongrie de revoir sa position sur l’État de droit, entrant dans une phase de dialogue politique sous haute tension »

Quelle est la nature du rapport adopté par le Parlement européen ?

Le rapport, rédigé dans le cadre des travaux de la Commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures du Parlement européen sur lequel un vote eut lieu le 12 septembre 2018, émane d’une députée écologiste néerlandaise (Groupe des Verts/Alliance libre européenne), Judith Sargentini. Cette dernière était par ailleurs la rapporteure de ce rapport, publié le 4 juillet dernier (A8-0250/2018).

Ce texte de 69 pages qui recense toutes les atteintes par la Hongrie aux principes élémentaires de tout États de droit – concernant notamment la justice ; la liberté d’expression ; la liberté des médias ; les droits des minorités et les droits des réfugiés – invite le Conseil de l’Union à prendre une décision mettant en évidence l’existence « d’un risque clair de violation grave »  par la Hongrie des valeurs sur lesquelles l’Union européenne est fondée, notamment mentionnées à l’article 2 du Traité sur l’Union européenne.

Alors que l’article 7§1 TUE permet d’activer une procédure de mise en cause d’un État par trois biais différents : a). sur proposition motivée d’un tiers des États de l’Union européenne (ce qui n’est encore jamais arrivé) ; b) sur proposition de la Commission européenne (ce qui fut mis en œuvre à l’encontre de la Pologne en décembre 2017) ; c) à travers une résolution du Parlement européen, c’est désormais chose faite grâce au rapport de la députée Sargentini.

Quelles vont être les suites de cette approbation par le Parlement européen ?

Le rapport a été approuvé à 448 voix pour, 197 contre et 48 abstentions par les députés européens. Cette victoire n’a été possible que grâce au ralliement d’une grande partie des députés du Parti Populaire Européen (115 contre 57 et 28 abstentions), c’est-à-dire le parti conservateur majoritaire au sein de l’Hémicycle strasbourgeois, dont le Fidezs de Viktor Orban fait partie. On signalera que parmi les eurodéputés français, les Verts (dont José Bové), les socialistes (dont Pervenche Bérès ou encore Vincent Peillon) et les centristes (dont Jean-Marie Cavada ou encore Jean Arthuis) ont tous voté pour le rapport ; les membres du Front national (dont Florian Philippot ou Bruno Gollnisch) ont quant à eux, à l’inverse, tous voté contre, tandis que les représentants des Républicains (LR), membres du PPE, étaient pour leur part divisés. Si Alain Lamassourre ou encore Jérôme Lavrilleux votèrent pour, on signalera les abstentions de Michèle Alliot-Marie, Rachida Dati, Brice Hortefeux et le vote en défaveur du rapport de Nadine Morano.

La balle est désormais dans le camp du Conseil de l’Union – qui est la représentation des ministres de l’Union européenne –  pour statuer à la majorité des quatre cinquièmes de ses membres pour constater expressément le « risque clair de violation grave »   des valeurs de l’article 2 TUE.

Cette majorité sera vraisemblablement obtenue. Ensuite, cela devient plus complexe. C’est le Conseil européen, soit la représentation des chefs d’états et gouvernements, qui devra statuer à l’unanimité pour être en mesure, cette fois-ci, de constater l’existence d’une violation (7§2 TUE). Dans le cas présent, il apparaît impossible que cela se produise lorsque l’on sait l’amitié politique entre la Pologne de Jarosław Kacynski et la Hongrie de Viktor Orban, notamment sur la question migratoire qui divise l’Europe.

Malgré tout, il convient de souligner la victoire symbolique que ce vote représente : les parlementaires européens ont ni plus ni moins montré qu’il n’était plus possible d’accepter l’inacceptable. Le signal politique est crucial, tant à l’endroit des États membres, qu’à l’égard du monde extérieur.

Quelles sont les autres sanctions auxquelles la Hongrie peut s’exposer ?

Comme vu précédemment, si le Conseil européen venait à voter à l’unanimité une violation des droits de l’Union à l’encontre de la Hongrie, celle-ci pourrait perdre certains de ses droits découlant de l’application des traités, notamment les droits de vote au sein du Conseil de l’Union (article 7§3).

Ceci constituerait bien évidemment un camouflet diplomatique majeur auquel seule l’Autriche de Jörg Haider a dû faire face au début des années 2000.

Dans le cas présent, le Conseil de l’Union va instamment demander à la Hongrie de revoir sa position sur l’État de droit, entrant dans une phase de dialogue politique sous haute tension.

Si la perte de son droit de vote ne semble pas d’actualité (au regard de l’exigence de l’unanimité), d’autres représailles peuvent être envisagées : la suspension des fonds européens dont bénéficie la Hongrie, notamment ceux issus du FEDER (le fonds de développement régional) ou encore la procédure d’infraction de l’article 258 TFUE que la Cour de justice pourrait mettre en œuvre à l’initiative de la Commission.

Pour l’heure, la seule chose prévalant à l’issue du vote du 12 septembre 2018 est un nécessaire retour au dialogue dans une Europe profondément marquée par les divisions politiques.

Par Laurence Burgorgue-Larsen