Par Mélina Douchy-Oudot, professeur de droit

Le confinement imposé par le Président de la République et les restrictions de déplacement qui en résultent interrogent sur l’exercice des modalités de résidence alternée et de droit de visite des parents séparés. Faut-il, alors même qu’il est demandé à chacun de « rester chez soi », et que le changement de lieu de vie suppose nécessairement une prise de risque supplémentaire, maintenir les résidences alternées des enfants et exercice des droits de visite fixées judiciairement, au risque d’imposer aux parents de se déplacer, parfois d’une région à l’autre ?

Les parents séparés sont tenus de respecter les modalités d’exercice de l’autorité parentale telles qu’elles ont été fixées dans la décision judiciaire les concernant, même en Covid 19, sauf danger avéré

En cas de séparation, le parent qui a les enfants à la maison le 16 mars 2020 doit-il les remettre à l’autre parent après cette date pour respecter la résidence alternée ou le droit de visite et d’hébergement ?

Lors de son allocution télévisée du 16 mars, le ministre de l’Intérieur Christophe Castaner a répondu positivement en indiquant que « des exceptions pourront être tolérées pour (…) les déplacements familiaux impérieux, les parents séparés pour aller chercher/déposer les enfants » (déclaration télévisée 16 mars 2020). Le confinement n’est donc pas présenté comme un obstacle à la remise des enfants selon les modalités fixées dans le jugement par l’un des parents à l’autre pour que soient respectés la résidence alternée ou le droit de visite, ce qu’a également confirmé Marlène Schiappa par tweet le 16 mars 2020. Il faut donc rédiger une auto autorisation de déplacement, et cocher : déplacements pour motif familial impérieux, pour l’assistance aux personnes vulnérables ou la garde d’enfants ».

Les parents séparés sont donc tenus de respecter les modalités d’exercice de l’autorité parentale telles qu’elles ont été fixées dans la décision judiciaire les concernant, même en Covid-19, sauf danger avéré (autre parent contaminé par exemple).

Les parents peuvent-ils s’entendre pour déroger temporairement aux modalités d’exercice de l’autorité parentale telles qu’elles ont été fixées par décision judiciaire ?

Il est toujours possible de trouver un meilleur accord pour adapter les modalités de garde des enfants à la situation : les modalités d’exercice de l’autorité parentale sont en effet toujours fixées « à défaut de meilleur accord » entre parents. Les parents peuvent donc s’accorder afin que leurs enfants ne pâtissent pas du risque de contamination, par exemple si l’un d’eux a des raisons de penser qu’il présente un danger, qu’il revient d’un pays à forte contamination… ou simplement par prudence…

L’accord peut être rédigé sur papier simple, les signatures apposées chacun chez soi, le document scanné et envoyé à l’autre parent qui le renverra à son tour signé. L’accord peut également faire l’objet d’un acte d’avocat qui garantit un lien plus apaisé en cas de contexte tendu entre parents, le tout en ligne bien sûr.

Quels sont les risques encourus par les parents qui refuseraient de respecter les modalités d’exercice de l’autorité parentale judiciairement fixées en invoquant par exemple un danger pour leurs enfants ?

Le parent qui refuserait de respecter ces modalités d’exercice de la résidence ou du droit de visite et d’hébergement  s’expose à un recours judiciaire.

Même si le fonctionnement des juridictions en raison de la pandémie est strictement limité au contentieux de l’urgence (Circulaire relative à l’adaptation de l’activité pénale et civile des juridictions aux mesures de prévention et de lutte contre la pandémie COVID-19) et les notes de service consécutives prises par les présidents de juridiction à l’intention des magistrats du siège pour son application), il est toujours possible d’engager une procédure de référé devant le juge aux affaires familiales sous réserve d’établir l’urgence, ou un recours devant le tribunal correctionnel pour délit de non présentation d’enfant.

Dans une interview au Point, Jean-Michel Hayat observait : « Nous ne tenons plus qu’une audience par semaine, pour les appels d’ordonnances de référé ou d’exécution provisoire des décisions rendues en première instance. J’ai également créé une audience consacrée au référé familial si jamais il y avait des difficultés majeures sur la résidence des enfants en période de confinement. J’ai préféré le prévoir avec des magistrats du pôle famille. Mais, pour le moment, nous n’avons pas eu de saisies à ce sujet. C’est vraiment impressionnant. On a l’impression d’être dans une énorme machine qui d’un seul coup s’arrête… »

Le parent mis en cause pourra se défendre en faisant valoir : l’intérêt de l’enfant, principe à valeur constitutionnelle s’il estime celui-ci exposé à un danger, ou la notion de fait justificatif devant la juridiction pénale. Il s’agit du motif légitime tiré de certaines circonstances comme obstacle à l’exercice de l’autorité parentale, de nature à justifier le fait matériel de non présentation d’enfant. Il faut que les circonstances soient exceptionnelles et permettent d’établir l’existence d’un danger actuel ou imminent menaçant la personne ou la santé de l’enfant. Il appartient au juge d’apprécier les éléments de preuve qui seront fournis (par ex. Crim., 2 nov. 2017, n° 16-85-783). Il faut préciser que le refus ou la réticence de l’enfant n’est jamais un fait justificatif (par ex. pour droit de visite de grands-parents : Crim. 9 mai 2019, n° 18-83840 ; pour des parents : CA Toulouse, 21 févr. 2002).

 

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