Nicolas Sarkozy a été renvoyé hier, jeudi 29 mars, devant le tribunal correctionnel pour « corruption » et « trafic d’influence » à la Cour de cassation.

Décryptage de cette décision par Jean-Marie Brigant, maître de conférences à l’Université du Mans.

« Les peines ont été aggravées par la loi du 6 décembre 2013 relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière » 

Quelle est la nature des faits reprochés à Nicolas Sarkozy dans cette affaire ?

Dans cette affaire, il est reproché deux types de faits de nature correctionnelle à Nicolas Sarkozy.

En premier lieu, il lui est reproché d’avoir cherché à obtenir, par l’intermédiaire de son avocat, auprès d’un haut magistrat à la Cour de cassation, des informations confidentielles concernant une procédure dans laquelle il demandait la restitution de ses agendas saisis dans l’affaire de l’héritière du groupe L’Oréal. De tels faits peuvent recevoir la qualification de corruption active de magistrats au sens de l’article 434-9 du Code pénal : il s’agit du fait de proposer à un magistrat, sans droit, à tout moment, directement ou indirectement, des offres, des promesses, des dons, des présents ou des avantages quelconques, pour soi-même ou pour autrui, pour que celui-ci accomplisse ou s’abstienne d’accomplir, un acte de sa fonction ou facilité par sa fonction.

En second lieu, il lui est également reproché d’avoir, en contrepartie de l’obtention de ces informations, proposé au magistrat d’intervenir afin que celui-ci obtienne un poste judiciaire prestigieux à Monaco. Dans cette hypothèse, la qualification pénale qui paraît justifier le renvoi devant le tribunal correctionnel est celle de trafic d’influence actif qui consiste pour quiconque, aux termes de l’article 433-1 du Code pénal, à abuser de son influence réelle ou supposée en vue de faire obtenir d’une autorité ou d’une administration publique des distinctions, des emplois, des marchés ou toute autre décision favorable.

En dernier lieu, il convient de souligner que l’avocat de Nicolas Sarkozy ainsi que l’ancien magistrat à la Cour de cassation sont eux aussi renvoyés devant le tribunal correctionnel des chefs de corruption active et trafic d’influence mais également pour violation du secret professionnel.

Que risque Nicolas Sarkozy devant le tribunal correctionnel ?

Pour des faits de corruption active et de trafic d’influence – véritable atteinte à l’autorité de l’Etat, Nicolas Sarkozy encourt une peine d’emprisonnement de 10 ans et une amende de 1 000 000 €, dont le montant peut être porté au double du produit tiré de l’infraction.

Il n’est pas inutile de rappeler que les peines ont été aggravées par la loi du 6 décembre 2013 relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière (dite Loi « Cahuzac »). En effet, avant cette réforme, la peine d’amende encourue n’était que de 150 000 euros. Cependant, les faits reprochés à Nicolas Sarkozy datant de 2014,il n’y a pas lieu de faire application du principe de non-rétroactivité de la loi pénale plus sévère. C’est donc bien une amende de 1 000 000 euros qui sera encourue.

En outre, des peines complémentaires sont également prévues par le Code pénal : l’interdiction des droits civiques, civils et de famille, l’affichage ou la diffusion de la décision de condamnation ainsi que l’interdiction d’exercer une fonction publique ou d’exercer l’activité professionnelle ou sociale dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de laquelle l’infraction a été commise et/ou l’interdiction d’exercer une profession commerciale ou industrielle, de diriger, d’administrer, de gérer ou de contrôler à un titre quelconque, directement ou indirectement, pour leur propre compte ou pour le compte d’autrui, une entreprise commerciale ou industrielle ou une société commerciale.

Quelles sont les voies de recours possibles pour Nicolas Sarkozy dans ce dossier ?

Avant de répondre concrètement à cette question, il faut rappeler les raisons pour lesquelles les juges ont signé l’ordonnance de renvoi ouvrant la porte au procès. Le règlement ou la clôture de l’information se définit comme l’acte par lequel le juge d’instruction vide sa saisine. Ce règlement intervient lorsque l’information est considérée comme complète. En présence de charges suffisantes contre une personne mise en examen, comme Nicolas Sarkozy, le juge d’instruction la renvoie devant la juridiction de jugement : en l’occurrence une ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel puisqu’il s’agit de délits.

Deux précisions doivent être apportées car selon les avocats de l’intéressé, une ordonnance de renvoi a été prise alors que la chambre de l’instruction doit statuer en juin prochain sur une requête en nullité déposée en 2017.

Première précision : la chambre de l’instruction doit se prononcer, même si postérieurement à la requête en nullité (irrégularité de la procédure), une ordonnance de renvoi a été rendue.

Seconde précision : en principe, l’ordonnance de renvoi ne peut faire l’objet d’un recours car elle laisse entiers les droits de la personne mise en examen devant la juridiction de jugement. Cependant, dans l’hypothèse où le juge d’instruction rend un ordonnance de renvoi sans avoir répondu à certaines demandes présentées durant l’information, ladite ordonnance sera alors considérée comme portant rejet implicite de la demande en question et sera donc susceptible d’appel. Ainsi, dans cette affaire, Nicolas Sarkozy pourrait bien bénéficier d’un droit d’appel contre cette ordonnance complexe.

Par Jean-Marie Brigant