Par Émeric Jeansen, Maître de conférences HDR à l’Université Panthéon-Assas, Membre du conseil scientifique du cabinet Racine

Les médias ne manquent pas d’indiquer que 220 000 entreprises, pour 2,2 millions de salariés, ont actuellement recours au chômage partiel. A la vérité, ils bénéficient de l’application de l’« activité partielle » (C. trav., art. L. 5122-1). Quoi qu’il en soit, les deux termes sont impropres. Il s’agit davantage d’un chômage temporaire qui peut être partiel lorsque le temps de travail du salarié est réduit ou total dans la situation où la prestation de travail est entièrement arrêtée. La mise en chômage partiel trouble le jeu habituel de l’exécution du contrat de travail. Parmi les nombreuses questions qu’il soulève, certaines peuvent être présentées ici.

Quel est l’impact du chômage partiel sur la durée de la période d’essai ?

Un salarié en période d’essai peut être placé en chômage partiel. Une telle situation conduit à se demander si la durée de l’essai est suspendue par la période d’activité réduite. La finalité de l’essai est d’accorder un temps à l’employeur pour apprécier les qualités du salarié. Puisqu’elle l’en empêche, la suspension du contrat de travail entraîne la prorogation de l’essai du temps d’absence du salarié. La cause de la suspension du contrat est indifférente. La durée de l’essai est prolongée même si l’employeur impose au salarié récemment embauché la prise de congés payés en raison de la fermeture annuelle de l’entreprise, (Cass. soc., 14 nov. 1990, n° 87-42.795). Dès lors, la décision de placer un salarié en chômage partiel devrait prolonger la période d’essai de la durée de l’absence. Une distinction doit néanmoins être apportée. La prolongation ne vaut qu’en présence d’un chômage partiel où le salarié cesse toute prestation de travail. Dans la situation où le salarié exécute partiellement sa prestation de travail, l’employeur conserve la faculté d’apprécier les qualités du salarié. Aucune prolongation de l’essai ne devrait en résulter.

Le chômage partiel pourrait aussi concerner un salarié inapte que l’employeur est tenu de reclasser. En cette matière, l’employeur doit chercher à reclasser le salarié inapte en lui proposant un poste « aussi comparable que possible à l’emploi précédemment occupé » (C. trav., art. L. 1226-10, al. 3 et L. 1226-2, al. 3). La formule ne s’oppose pas à son placement en chômage partiel. Dans la demande adressée à l’administration, l’employeur indique les postes visés par l’activité partielle. Le reclassement du salarié doit donc en premier lieu être décidé pour ensuite, lorsque le poste de reclassement fait partie de ceux visés par l’activité partielle, imposer le chômage partiel au salarié reclassé.

L’employeur peut-il licencier un salarié pendant une période de chômage partiel ?

L’employeur peut licencier un salarié pendant une période de chômage partiel. La mise en chômage partiel ne s’accompagne d’aucune protection contre le licenciement. L’employeur peut donc poursuivre une procédure de licenciement engagée avant la mise en chômage partiel comme en engager une pendant la période de cessation d’activité. Tout motif de rupture peut être invoqué. La difficulté tient alors dans les suites du licenciement. En particulier, le salarié licencié est privé du préavis qu’il est dans l’impossibilité de l’exécuter. La jurisprudence limite néanmoins la privation du préavis lorsque l’inexécution résulte d’un motif propre au salarié, qui tient dans une impossibilité physique (Cass. soc., 11 mars 2016, n° 15-11.443), le refus du salarié de l’exécuter (Cass. soc., 31 mars 2016, n° 14-19.711) ou une situation de fait trouvant son origine dans la personne du salarié, tel le retrait de permis de conduire rendant impossible la poursuite de l’exécution du contrat de travail (Cass. soc., 19 nov. 1980, n° 79-40.294). En cas de mise en chômage partiel, le salarié n’est pas responsable de l’inexécution du préavis. Il devrait donc percevoir les indemnités compensatrices de préavis, d’un montant égal à l’indemnité de chômage partiel, et de congés payés afférents.

Quel est le sort du salarié protégé en période de chômage partiel ?

S’agissant des salariés protégés, pour mettre fin à une position jurisprudentielle qui accorde à ces salariés un droit d’opposition, l’ordonnance du 27 mars 2020 précise que l’employeur n’a pas à recueillir l’accord du salarié protégé concerné par le chômage partiel sous réserve que sa décision « affecte tous les salariés de l’entreprise, de l’établissement, du service ou de l’atelier auquel est affecté ou rattaché l’intéressé » (Ord., 27 mars 2020, art. 6). A contrario, lorsque l’employeur met une partie seulement des salariés en activité partielle, il ne peut que proposer au salarié protégé d’en faire partie. Le refus du salarié protégé l’oblige à maintenir l’exécution normale de son contrat de travail et à lui verser l’intégralité de son salaire.

Une difficulté concerne le salarié placé en chômage partiel qui dispose d’un crédit d’heures pour exercer sa mission de représentation syndicale ou de représentation du personnel. Peut-il l’utiliser ? Il est admis que la suspension du contrat de travail ne suspend pas le mandat, ce qui devrait conduire à admettre que le salarié protégé puisse librement utiliser ses heures de délégation malgré le placement en activité partielle. Ces heures de délégation sont rémunérées en intégralité sans ouvrir droit, pour l’employeur, à l’allocation de chômage partiel faute d’être une heure perdue. Lorsque l’employeur demande le versement de l’allocation d’activité partielle, il doit alors déduire des heures perdues celles utilisés par le salarié au sein de son crédit d’heures.

Par exception, dans l’entreprise où l’activité est totalement arrêtée, aucune activité de représentation syndicale ou de représentation du personnel ne devrait pouvoir être exercée. Un délégué syndical ou un membre de la délégation du personnel au comité social et économique ne devrait donc pas pouvoir se prévaloir de l’exercice d’une mission liée à son mandat.

 

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