Par Émeric Jeansen, Maître de conférences HDR à l’Université Panthéon-Assas, Membre du conseil scientifique du cabinet Racine

Le chômage partiel faisait jusqu’alors l’objet d’une attention limitée des pouvoirs publics. En cette période de pandémie, le dispositif est devenu si nécessaire à la préservation de la situation économique du pays qu’en urgence deux textes ont été adoptés pour faciliter son recours : le décret n°2020-325 du 25 mars 2020 et l’ordonnance n° 2020-346 du 27 mars 2020.

Quelles sont les entreprises bénéficiaires ?

Toute entreprise, quelle que sa taille ou son secteur d’activité, peut bénéficier de l’activité partielle, y compris celles inscrites au répertoire national des entreprises contrôlées majoritairement par l’État (Ord. 27 mars 2020, art. 2), les particuliers employeurs (Ord. 27 mars 2020, art. 7), les entreprises ne comportant pas d’établissement en France pour leur travailleur occupé en France (Ord. 27 mars 2020, art. 9)… La seule condition tient dans le fait que l’entreprise justifie d’un cas de recours à ce dispositif. À ce titre, le chômage partiel permet notamment de répondre à une « circonstance de caractère exceptionnel », ce qui vise assurément l’actuelle épidémie de covid-19. Pour en bénéficier, l’employeur doit en faire la demande à la Direccte, éventuellement après la date à laquelle il a placé ses salariés en activité partielle : il dispose, à compter de cette date, de trente jours pour faire parvenir sa demande à l’administration (C. trav., art. R. 5122-3).

Quel est le contenu de la demande ?

La demande adressée à l’administration contient trois mentions obligatoires. D’abord, y figure le motif « justifiant le recours à l’activité partielle » (C. trav., art. R. 5122-2, 1°). L’employeur ne peut pas se contenter de viser l’épidémie de covid-19. La demande doit être précise ce qui le conduit à présenter les effets contraignants de l’épidémie sur l’activité des salariés concernés par la mise en activité partielle.

Ensuite, la demande contient la « période prévisible de sous-activité » (C. trav., art. R. 5122-2, 2°). Cette mention ne devrait pas être une condition de recevabilité. Lorsque l’entreprise y est autorisée, l’employeur adresse tous les mois où il recourt au chômage partiel une demande d’indemnisation. La durée pourra donc être réduite dès que la mesure n’aura plus d’intérêt. L’employeur est seulement lié par le terme de la période visée dans la demande. Une fois terminée, il sera de nouveau tenu de fournir du travail à son personnel et de payer les salaires convenus, ce qui interviendra au plus tard douze mois après la date de la demande (C. trav., art. R. 5122-9).

Enfin, la demande précise le « nombre de salariés concernés » (C. trav., art. R. 5122-2, 3°) ce qui se justifie par le fait que ce n’est pas l’entreprise mais les salariés qui « sont placés en position d’activité partielle » (C. trav., art. L. 5122-1, al. 1). L’accord de l’administration concerne des postes de travail à partir desquels l’employeur pourra ensuite décider des salariés « placés en position d’activité partielle individuellement et alternativement » (C. trav., art. L. 5122-1, al. 4). Dans tous les cas, l’employeur n’est pas autorisé à mettre en chômage partiel une partie seulement du personnel visé dans la décision administrative autorisant le recours à cette mesure (Cass. soc., 30 janv. 2002, n° 00-40.805).

La demande est accompagnée « de l’avis préalablement rendu par le comité social et économique » (C. trav., art. R. 5122-2, al. 6). Dans l’entreprise dotée de comités d’établissement et d’un comité central, l’instance consultée dépend du périmètre dans lequel le recours au chômage partiel est décidé : chaque fois que la décision de recourir au chômage partiel est adoptée par le chef d’entreprise, l’instance centrale est seule consultée peu important le périmètre dans lequel les salariés placés en chômage partiel travaillent. Par ailleurs, la consultation est requise « si l’entreprise […] est dotée » d’une instance élue de représentation du personnel (C. trav., art. R. 5122-2, al. 6). L’exigence d’avis préalable est donc écartée dans l’entreprise dépourvue d’un comité. La Direccte ne devrait pas opposer de refus à une entreprise qui n’a pas présenté d’avis du comité social et économique lorsqu’elle n’a pas mis en place une telle instance même si elle ne justifie pas cette absence par un procès-verbal de carence.

Même si l’entreprise est dotée d’un comité social et économique, il n’est pas toujours évident, dans la situation actuelle, de réunir le comité pour le consulter sur le recours au chômage partiel. L’employeur est alors autorisé à recueillir l’avis postérieurement à la demande sous réserve qu’il soit « transmis dans un délai d’au plus deux mois à compter de cette demande » (C. trav., art. R. 5122-2, al. 6). Si l’employeur ne présente pas, dans les délais, un procès-verbal de réunion faisant état de l’avis exprimé par le comité, la Direccte devrait être autorisée à demander le remboursement des sommes perçues au titre de l’allocation d’activité partielle. L’action en répétition de l’allocation versée est soumise à la prescription quinquennale de l’article 2224 du code civil. Il serait utile que le législateur assouplisse les conditions de recours à la visioconférence pour les réunions du comité social et économique, en autorisant l’employeur d’y recourir au-delà des trois réunions par année civile actuellement permise lorsqu’aucun accord collectif ne l’a organisé (C. trav., art. L. 2315-4).

Quel est le délai de réponse ?

L’autorisation est habituellement acquise par la réponse expresse de la Direccte ou par son silence au terme d’un délai de quinze jours (C. trav., art. R. 5122-4). Signe que les pouvoirs publics ont souhaité étendre très largement le recours au chômage partiel en cette période si particulière, le décret du 25 mars 2020 a réduit à deux jours la durée dans laquelle l’autorisation implicite est acquise. Le délai raccourci vaut jusqu’au 31 décembre 2020 (Décret n°2020-325 du 25 mars 2020, art. 2, III). L’encombrement résultant du nombre élevé de demandes ainsi que l’obligation de motiver le refus devrait fréquemment conduire à ce que l’autorisation soit acquise par l’écoulement du délai de deux jours. Seules les demandes incomplètes devraient subir un refus, contraignant alors l’employeur à régler aux intéressés l’intégralité de leur salaire, même s’il n’est pas en mesure de fournir du travail ou même s’il les a déjà placés en chômage partiel.

 

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