Par Émeric Jeansen, Maitre de conférences HDR à l’Université Panthéon-Assas, Membre du conseil scientifique du cabinet Racine

L’Ordonnance n° 2020-346 du 27 mars 2020 portant mesures d’urgence en matière d’activité partielle précise la manière dont le chômage partiel peut être mis en œuvre. L’activité partielle offre une aide financière aux entreprises en leur permettant de maintenir le paiement de la rémunération de leurs salariés lorsqu’une situation contraignante empêche l’exécution normale des contrats de travail. Si le recours au dispositif suppose une autorisation de l’administration, sa mise en œuvre dépend ensuite d’une décision unilatérale de l’employeur.

L’employeur peut-il obliger les salariés à se placer en activité partielle ?

La baisse de rémunération qui résulte de la mise en chômage partiel aurait pu conduire à l’appréhender comme une modification du contrat de travail nécessitant l’accord du salarié pour y recourir. Une telle solution aurait vidé le dispositif d’une part importante de son intérêt. C’est sans doute la raison pour laquelle il est admis, de longue date, que la mise au chômage partiel du personnel pendant la période d’indemnisation ne constitue pas une modification du contrat de travail (Cass. soc., 9 mars 1999, n° 96-43.718). Les salariés ne disposent donc pas d’un droit de refuser le chômage partiel. Pour autant, le pouvoir unilatéral de l’employeur lui permet-il de préciser librement les salariés placés en chômage partiel ? A priori, cette décision relève d’une mesure objective correspondant aux seuls postes affectés par la situation contraignante. La loi prévoit que si la mesure concerne un seul poste de travail au sein d’une catégorie de salariés, l’employeur peut décider de placer les salariés « individuellement et alternativement » en situation de chômage partiel (C. trav., art. L. 5122-1, al. 4). S’il ne respecte pas le caractère alternatif, en obligeant systématiquement le même salarié à cesser temporairement l’exécution de son contrat de travail, la responsabilité de l’employeur pourrait être recherchée sur le fondement du manquement au principe d’égalité de traitement.

Quel est le montant de l’indemnité versée au salarié en chômage partiel ?

Le salarié en chômage partiel subit une baisse de revenu limitée. L’employeur n’est tenu de verser au salarié, à titre d’indemnité, que le montant de l’allocation d’activité partielle qu’il recevra par la suite de l’administration. Le calcul de l’indemnité dépend de trois variables : le nombre d’heures de travail perdu, le salaire de référence et le taux horaire.

Le nombre d’heures perdues correspond à la différence entre la durée légale du travail ou, lorsqu’elle est inférieure, la durée collective du travail ou la durée stipulée au contrat, et le nombre d’heures réellement travaillées sur la période considérée (C. trav., art. R. 5122-11) dans la limite de 1 000 heures par salarié et par an (Arr. 26 août 2013, art.1). Les heures supplémentaires que le salarié aurait effectuées pendant la période, y compris dans la situation où la durée du travail est fixée par une convention de forfait heures comprenant des heures supplémentaires, ne sont pas prises en compte. Pour les salariés bénéficiant d’heures d’équivalence, la durée considérée comme équivalente est prise en compte en lieu et place de la durée de travail (Ord. 27 mars 2020, art. 1). S’agissant des salariés employés en forfait jour, le nombre d’heures de travail perdu est calculé par la conversion du nombre de jours ou de demi-journée non travaillés en heures (Ord. 27 mars 2020, art. 8), sachant qu’une journée correspond à 7 heures chômées et une demi-journée est égale à 3 heures et 30 minutes.

Le salaire de référence est la rémunération horaire antérieure brute du salarié, calculée à partir des sommes servant d’assiette à l’indemnité de congés payés (C. trav, art. R. 5122-18), c’est-à-dire à partir du « montant de la rémunération qui aurait été perçue pendant la période de congé si le salarié avait continué à travailler » (C. trav., art. L. 3141-24, II). L’ensemble des sommes qui sont la contrepartie du travail entrent ainsi dans l’assiette de l’indemnité d’activité partielle. Notamment, le salaire de référence comprend la part variable complémentaire de rémunération, peu important son paiement à l’année et son calcul en fonction des résultats de la société (Cass. soc., 24 sept. 2014, n° 12-28.965), les avantages accessoires et des prestations en nature dont le salarié ne continuerait pas à jouir pendant la durée de son congé (C. trav., art. L. 3141-25). En revanche, l’indemnité constituant un remboursement de frais est exclue.

Enfin, le taux horaire est en principe fixé à 70 % du salaire de référence. Il ne concerne toutefois pas tous les salariés. Ceux dont le niveau de revenu est faible subissent une perte limitée de salaire puisque le montant de l’allocation d’activité partielle est au moins égal au montant du taux horaire net du smic. Pour les salariés ayant un revenu élevé, la perte de salaire pourrait être plus conséquente, le calcul de l’indemnité égal à 70% de la rémunération horaire brute étant plafonnée à hauteur de 4,5 fois le taux horaire du smic (C. trav., art. D. 5122-13). Enfin, rien n’interdit à l’employeur de maintenir le paiement d’une somme supérieure, certaines conventions collectives l’obligent d’ailleurs. Mais le montant de l’allocation d’activité partielle ne remboursera alors pas l’intégralité de la somme versée.

Quel est l’effet du chômage partiel sur le droit des cotisations sociales ?

L’indemnité versée au salarié en chômage partiel est exonérée de cotisations de sécurité sociale salariales et patronales ainsi que de forfait social (C. trav., art. L. 5122-4). Ce régime social de faveur vaut quel que soit le montant de l’indemnité versée. En particulier, il est applicable à celle d’un montant supérieur à l’allocation d’activité partielle correspondant à 70% du salaire antérieur (Circ. DGEFP n° 2012-12 du 12 juillet 2013). Une limite devrait néanmoins s’appliquer : l’employeur ne devrait pas pouvoir profiter du chômage partiel pour verser une somme supérieure à l’intégralité du salaire de référence exonérée de cotisations sociales. La différence entre le montant du salaire de référence et la somme versée devrait réintégrer l’assiette des cotisations.

 

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