Par Isabelle Rein-Lescastereyres et Charlotte Robbe, avocates, bwg associés

Les bans étaient publiés, et la cérémonie fixée le 9 mai 2020. Vais-je pouvoir me marier ?

Peu probable et ceci même si vous deviez convoler le 16 ou le 23 mai (si on se réfère aux annonces gouvernementales)…

En effet, depuis le début du confinement, les mairies ont réduit leur activité à leurs missions essentielles, qui, en matière d’état civil, se limitent à l’enregistrement des naissances et des décès. Par ailleurs, il n’est pas d’actualité de procéder à des mariages par visioconférence.

Certaines célébrations sont maintenues, mais dans des hypothèses exceptionnelles.

Il s’agit en premier lieu du mariage dit « in extremis » en cas de péril imminent de mort où lorsque l’un des futurs mariés est un militaire sur le point de partir sur le théâtre d’opérations (article 75 du Code civil).

Si vous êtes dans une de ces deux hypothèses, le mariage devra être célébré en présence des époux et de deux témoins. Il ne saurait être question de réunir toute sa famille pour des questions de distanciation sociale qui s’appliquent en toutes circonstances actuellement.

Si vous avez la chance de ne pas être dans l’une de ces deux hypothèses, alors il faut reporter la cérémonie, et convenir d’une autre date, avec l’espoir que les mesures de distanciation sociale seront alors moins strictes pour pouvoir réunir famille et amis. Un point de vigilance : la période de validité de la publicité des bans, qui est d’un an (article 65 du Code civil).

Si vous vivez à l’étranger, les pratiques des consulats dépendent des mesures prises par chaque pays en matière de restriction de circulation. Il faut donc vérifier pour être fixés…

Il m’a fait sa demande le 14 février dernier, et nous voulions déposer notre dossier rapidement. Peut-on y procéder ?

Avant la célébration du mariage, l’officier d’état civil doit faire une publication par voie d’affiche pendant 10 jours, énonçant l’identité, les domiciles et professions des futurs mariés (articles 63 et 64 du Code civil).

Cette publication est subordonnée à la remise de pièces (notamment justifiant de l’identité) et de l’audition commune des futurs époux.

Dans le contexte de la réduction des activités des mairies, ces démarches semblent difficilement réalisables. Il va donc certainement falloir patienter un peu avant d’effectuer ces formalités.

Ce confinement en couple nous donne des envies de mariage, et nous avons du temps à consacrer à ce grand projet…

Le confinement est un bon moment pour préparer son contrat de mariage, surtout s’il s’inscrit dans un contexte international.

Plus d’excuse pour ne pas prendre le temps de réfléchir à son contrat de mariage. Le temps long du confinement est l’opportunité de se poser, d’échanger et d’assurer un consentement plein et entier, sans oublier le sujet qui fâche, c’est-à-dire qu’un contrat de mariage doit satisfaire les souhaits des deux époux pendant le mariage (protection contre les créanciers de l’autre par exemple), mais aussi au moment d’un éventuel divorce.

La question est plus cruciale encore lorsque le mariage s’inscrit dans un contexte international, que ce soit en raison de la nationalité des futurs époux ou parce qu’ils vivent ou vont vivre à l’étranger, tout particulièrement dans les pays anglo-saxons. En effet, ces pays ne connaissent pas la notion de régime matrimonial en tant que tel ; le mariage ne modifie pas à lui seul les rapports patrimoniaux des époux. En revanche, au moment d’un divorce, chaque époux dispose à l’encontre de l’autre d’un droit de créance qui donne lieu à une equitable distribution, c’est-à-dire un règlement financier « tout en un » là où, dans les pays de civil law, l’on distingue deux catégories différentes : liquidation et prestation compensatoire, parfois soumises à deux lois différentes. Les prenuptial ou postnuptial agreements anglo-saxons sont des contrat de divorce plus que des contrats de mariage, en ce sens qu’on s’intéresse principalement aux droit de chacun à la sortie.

L’autre différence, de taille, réside dans le fait que ces contrats ne sont pas complètement contraignants pour le juge qui conserve la liberté de s’en écarter. Toutefois, depuis 2010 et la décision Radmacher du 20 octobre 2010 (UKSC 42. Case ID UKSC 2009/0031), ces contrats ont un poids décisif quand bien même leur application conduirait à un résultat très différent de celui auquel serait parvenu le juge en l’absence de contrat. En outre, commission des lois a fait une recommandation en faveur de qualified nuptial agreements, c’est-à-dire des contrats de mariage qui auraient force obligatoire sous réserve qu’ils respectent un certain nombre de conditions : absence de vice du consentement, forme écrite, représentation indépendante des époux (à mettre en rapport avec la figure unique du notaire, mal connue dans ces pays), information complète sur la situation financière et patrimoniale de chaque époux et délai de réflexion minimum de 28 jours entre la signature et le mariage. Autant de conditions qu’il est judicieux de respecter dès à présent pour renforcer les chances que le contrat soit respecté.

En droit anglais, le contrat, pour être respecté, doit en tout état de cause assurer que les besoins raisonnables (reasonable needs) de l’époux le plus fragile soient remplis, étant précisé que cette notion de besoin raisonnable s’entend de manière nettement plus généreuse que les besoins du droit français. D’où la nécessité de travailler main dans la main avec des confrères locaux, tant pour déterminer ce seuil, que pour entourer le contrat du maximum de garanties qu’il sera respecté si, d’aventure, il devait être soumis à un juge étranger. Toujours pour assurer une bonne circulation du contrat, il faudra veiller à faire preuve de pédagogie et prévoir des définitions des concepts de part et d’autre à destination des différents juges concernés.

Quels sont les principes qui doivent guider le choix particulier du contrat ?

En la matière il n’y a pas de règle absolue. Les contrats de mariage internationaux sont des contrats sur mesure adaptés à chaque situation particulière. Tout au plus peut-on dégager quelques principes de bon sens : sous réserve des sensibilités particulières des époux, rédiger le contrat là où l’époux qui souhaite limiter son risque a le plus besoin d’être protégé. Si l’on vit en Angleterre par exemple, un contrat anglais semble, de prime abord, la solution la plus adaptée. Mais l’on sera aussi attentif au lieu de situation des biens, à la culture juridique des parties…

Faut-il prévoir le montant des obligations alimentaires à la sortie ? Tout d’abord cela ne sera pas toujours possible, notamment si c’est la loi française qui est applicable sans désignation possible d’une loi étrangère qui confèrerait une telle faculté. Lorsque la possibilité existe, l’exercice est délicat car il oblige à se projeter dans le niveau de vie futur des époux alors qu’ils sont parfois au tout début de leur carrière, pour anticiper les fameux besoins raisonnables. D’où la nécessité de faire périodiquement le point sur son contrat de mariage pour le réviser le cas échéant. Il est aussi parfois culturellement contre-nature : ainsi ces dispositions à géométries variables fonctions de la durée du mariage et du nombre d’enfants qui choquent parfois le futur époux français.

Faut-il faire ou pas des choix de loi applicable et de juridiction ? Oui absolument s’agissant de la loi applicable. C’est une nécessité pour sécuriser la volonté des époux, avec un soin tout particulier pour éviter que des choix opportunistes de lois différentes pour les différents aspects du règlement financier ne viennent perturber l’harmonie d’ensemble. Parfois, s’agissant des choix de juridiction, sachant que cette possibilité reste encore limitée, et qu’elle l’est même de plus en plus. Là où le praticien des contrats de mariage internationaux avait pu espérer que la révision du Règlement (CE) n° 2201/2003 du Conseil du 27 novembre 2003 relatif à la compétence, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale, offrirait la possibilité de choisir le juge du divorce, clé de voûte du système, le texte final du règlement refondu, dit Bruxelles II ter (règl. (UE) n° 2019/1111, du 25 juin 2019) applicable à compter du 1er août 2022 a déçu cet espoir. Quant au règlement régime matrimoniaux, il constitue du point de vue français un véritable recul en arrière dans la mesure où le choix par les époux du juge compétent pour liquider leur régime pourra être privé d’effet par la saisine du juge d’un état membre pour le divorce, lequel aura alors compétence exclusive pour la liquidation.

Enfin, le Brexit, en privant les époux du choix du juge compétent pour fixer la prestation compensatoire qui leur était offert par le Règlement (CE) n° 4/2009 du Conseil du 18 décembre 2008 relatif à la compétence, la loi applicable, la reconnaissance et l’exécution des décisions et la coopération en matière d’obligations alimentaires, introduit un nouvel élément d’incertitude : un tel choix pèsera-t-il désormais suffisamment dans la balance de l’examen du forum conveniens qui pourrait redevenir la norme en Angleterre ?

Peut-on signer son contrat de mariage à distance pendant le confinement ?

C’est une nouveauté et elle sera de courte durée mais le Décret n° 2020-395 du 3 avril 2020 autorisant l’acte notarié à distance pendant la période d’urgence sanitaire permet de signer notamment un contrat de mariage, et ce jusqu’à l’expiration d’un délai d’un mois à compter de la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire déclaré dans les conditions de l’article 4 de la loi du 23 mars 2020, donc pour l’instant jusqu’au 24 juin.

Encore faut-il que le notaire concerné soit équipé ou prêt à solliciter une autre étude qui le soit, et qu’il soit prêt à renoncer à la solennité de cette signature qui mérite tout particulièrement qu’on s’y arrête.

Reste que cette possibilité apparaît encore plus utile et même précieuse à l’international tant compte tenu des difficultés à se déplacer d’un pays à l’autre en cette période de confinement, que pour signer plus rapidement et respecter le délai de 28 jours qui pourrait être mis à mal par les circonstances. L’acte aura alors la même force qu’un acte notarié classique, et présentera les mêmes garanties de sécurité.

Nous n’avons malheureusement pas eu le temps de nous marier avant le décès de mon conjoint, brutalement emporté par le Covid 19. Que faire ?

Le mariage posthume est prévu par le Code civil (article 171), pour motifs graves, et à condition qu’il y ait une réunion suffisante de faits établissant sans équivoque le consentement du défunt.
Un mariage est donc envisageable, sur autorisation du Président de la République. En revanche, cette union ne produit aucun effet sur la vocation successorale du conjoint survivant, et aucun régime matrimonial n’est réputé avoir existé entre les époux.

 

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