Par Sébastien Legrix de La Salle, avocat associé, DS Avocats

Depuis le 15 mars 2020 et la décision du gouvernement de fermer une grande partie des commerces, les articles sur la suspension ou l’annulation du loyer se multiplient.

Des mesures gouvernementales en faveur des locataires décevantes

Pour les locataires, le Président a, dès le 13 mars 2020, annoncé une suspension des loyers à venir pour les PME.

Selon la loi d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 du 23 mars 2020, le gouvernement se voit donner, par ordonnance, la possibilité de reporter ou étaler le paiement des loyers mais uniquement pour les micro-entreprises et non les PME, et donc un nombre plus restreint de locataires.

Finalement l’ordonnance a été signée le 25 mars 2020 et la déception a été grande pour les locataires.

En effet, aucun report ou d’étalement des loyers mais simplement l’impossibilité pour les bailleurs d’exiger « de pénalités financières ou intérêts de retard, de dommages-intérêts, d’astreinte, d’exécution de clause résolutoire, de clause pénale, ou de toute clause prévoyant une déchéance, ou d’activation des garanties ou cautions, en raison du défaut de paiement de loyers ou de charges locatives afférents à leurs locaux professionnels et commerciaux ».

En outre, pour bénéficier de ces mesures plutôt que de reprendre la définition des micro-entreprises visée dans la loi du 23 mars 2020, le décret a posé un grand nombre de  conditions basées principalement sur les effectifs, les résultats financiers et la santé financière de bénéficiaire, qui va complexifier un peu plus l’application desdites mesures. Les mêmes entreprises pourront également bénéficier d’une aide symbolique de 1 500 euros et de 3 000 euros sous conditions.

Un accompagnement des locataires par les banques, les assureurs et les bailleurs

Les banques, le 15 mars 2020, ont pris l’engagement de reporter le cas échéant le remboursement des crédits. Les assureurs ont eux décidé de maintenir les garanties même en cas de non-paiement des primes par les clients et de verser 200 millions d’euros au fonds de solidarité.

En définitive, les seules mesures significatives sont celles de certains bailleurs qui, bien au-delà des mesures gouvernementales, ont reporté, aménagé, voire annulé le paiement des loyers de leurs locataires. Certains locataires considèrent toutefois qu’il convient d’aller encore plus loin en annulant les loyers.

Les bailleurs acteurs essentiels de l’économie mis de côté

Les bailleurs apparaissent comme les grands oubliés des mesures gouvernementales. Cela résulte, semble-t-il, d’un malentendu sur la typologie des bailleurs. En effet, il existe une grande diversité de bailleurs qui ne se limite pas aux institutionnels. Ainsi, à côté des propriétaires d’actifs de grandes surfaces (professionnels essentiellement), il existe des propriétaires de petites surfaces.

En outre, pour tous les bailleurs, en l’état de la position des assureurs qui, sur la base d’une analyse strictement juridique de leurs contrats (risque sanitaire non-garanti), refusent toute garantie, il s’agit de supporter seuls les mesures légales ou conventionnelles d’accompagnement. Si, le rapprochement bailleur/preneur reste la meilleure solution pour surmonter la crise sanitaire et ses suites, les conséquences pour les bailleurs ne doivent pas être négligées. Pour les foncières cotées, les effets seront à court terme une probable baisse de leur cotation. En fonction de la durée du confinement, la valeur des actifs de l’ensemble des bailleurs et leur liquidité pourraient être affectées. Nombre de bailleurs ont aussi recours à l’emprunt, ce qui pourra entraîner des difficultés de remboursement. Enfin, pour certains « petits » propriétaires, leurs actifs étant leur seule source de revenu, l’absence de loyer pourrait être problématique.

En l’état, les bailleurs ont bien été laissés sur de côté.

L’intervention nécessaire des banquiers et des assureurs

Dans le cadre de l’effort national, les banques et les assureurs doivent avoir une analyse moins légaliste de la situation à l’égard des bailleurs et des locataires. Au-delà de l’effet financier immédiat que cela représenterait, cela faciliterait les négociations bailleur/locataire. Certains bailleurs comme la société APSYS ont proposé notamment que le gouvernement décrète l’état de catastrophe naturelle sanitaire et que la Caisse Centrale de Réassurance  garantisse les pertes d’exploitation des acteurs du commerce en contrepartie d’un refinancement de la caisse par une surprime couvrant le montant du préjudice compensé.

Les banques pourraient, au-delà des négociations avec leurs clients, pendre l’engagement d’étendre à tous les bailleurs les mesures gouvernementales en matière de prêt bancaire.

Enfin, la CNCC vient de demander au gouvernement la mise en œuvre de la Caisse Centrale de Réassurance, de permettre aux locataires une déduction partielle des loyers de leur impôt, un abattement sur la fiscalité locale des centres commerciaux ou une contribution de l’e-commerce au fonds de solidarité.

Affaire à suivre ? Nous l’espérons pour préserver les équilibres bailleur/locataire nécessaires pour surmonter la crise sanitaire et ses suites.

 

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