Par Frédéric Scanvic avocat associé, Foley Hoag

Quel est le champ d’application de l’ordonnance ?

L’ordonnance du 25 mars vise les contrats de la commande publique (marchés publics et concessions) et les contrats publics qui n’en relèvent pas. On pense aux contrats administratifs (passés par une personne publique et comportant des clauses exorbitantes du droit commun ou associant le cocontractant à l’exécution d’un service public). La Direction des affaires juridiques (DAJ) du ministère de l’Économie et des Finances indique que la notion couvre les contrats des personnes morales de droit public et de droit privé qui sont pouvoirs adjudicateurs (créés pour satisfaire spécifiquement des besoins d’intérêt général non industriel ou commercial et financés, gérés ou contrôlés principalement par un pouvoir adjudicateur) ou entités adjudicatrices (opérateurs de réseaux et organismes de droit privé bénéficiant de droits spéciaux ou exclusifs). On ajoutera les contrats d’occupation domaniale.

Les contrats doivent être en cours ou conclus durant la période courant du 12 mars 2020 à la fin de l’état d’urgence sanitaire augmentée de deux mois (soit en l’état le 25 juillet). L’ordonnance s’applique aux seuls contrats de la commande publique conclus par l’État et ses établissements publics en Polynésie et en Nouvelle-Calédonie. L’ordonnance est pragmatique ses dispositions n’étant mises en œuvre que si elles sont nécessaires pour faire face aux conséquences des mesures prises pour la limiter. Cette mise en œuvre se fera donc sous le contrôle du juge.

Quid des règles de passation ?

Elles ne visent que les contrats de la commande publique. Sauf pour les prestations urgentes, les délais de réception des candidatures et des offres sont prolongés d’une durée suffisante et les modalités de mise en concurrence initiales peuvent être aménagées si elles ne peuvent être respectées, dans le respect du principe d’égalité (a minima traitement identique de tous les candidats).

Quel est le sort des contrats arrivant à terme ?

Si le terme est entre le 12 mars et le 25 juillet ils peuvent être prolongés en cas d’impossibilité d’une remise en concurrence. Pour ce motif (et lui seul), la prolongation d’un accord-cadre peut excéder sa durée initiale et la prolongation au-delà de 20 ans des concessions bornées (eaux, assainissement, déchets) est dispensée de l’examen préalable par l’État, mais toujours pour la durée de l’état d’urgence augmentée de la durée nécessaire à la remise en concurrence.

Et les avances ?

Elles peuvent être portées à plus de 60 % du montant du marché sans garantie à première demande pour celles supérieures à 30 %. Les autres avances du code ne sont pas traitées. Ces règles semblent s’appliquer aux sous-traitants. Et si le texte semble limité aux marchés, la DAJ admet qu’il concerne tous les contrats.

Quelles sont les conséquences sur l’exécution des contrats ?

Le délai d’exécution est prolongé d’une durée équivalente à celle du 12 mars à la fin de l’état d’urgence sur demande du titulaire si l’exécution est impossible ou entraînerait une charge manifestement excessive pour le titulaire qui ne peut être sanctionné, subir des pénalités contractuelles et voire sa responsabilité engagée.

Pour les besoins urgents l’acheteur peut conclure un marché de substitution. Le titulaire initial ne peut engager la responsabilité contractuelle de l’acheteur ni invoquer une clause d’exclusivité et l’exécution du marché de substitution n’est pas à ses frais et risques. La résiliation du marché par l’acheteur du fait de mesures prises par l’administration dans le cadre de l’état d’urgence, permet d’indemniser le titulaire des dépenses engagées imputables à la résiliation. L’acheteur qui suspend un marché à prix forfaitaire (certainement pour des motifs tenant à l’état d’urgence) règle sans délai les sommes dues. A l’issue de la suspension (qui semble la fin des motifs ayant justifié la suspension) le contrat est éventuellement modifié, notamment sur les droits financiers de chacun.

Pour les seules concessions (i) en cas de suspension de l’exécution la suspension de tout versement au concédant et, si sa situation le justifie et à hauteur de ses besoins, une possible avance sur le versement des sommes dues et (ii) si sans suspendre la concession, le concédant modifie significativement ses modalités d’exécution, il compense le surcoût pour le concessionnaire s’il doit mettre en œuvre des moyens supplémentaires représentant une charge manifestement excessive au regard de sa situation financière.

Seules les clauses plus favorables au titulaire font obstacle à l’application de ces règles.

Au-delà du principe de la force majeure (l’événement est imprévisible et extérieur) il faudra donc justifier de la condition liée à l’exécution. Le texte couvre les théories de l’imprévision (étrangement pour les seules concessions) et du fait du prince (étrangement pour la seule indemnisation des coûts engagés et non pour le manque à gagner). Mais l’ordonnance n’interdit pas l’application du droit commun. Elle en facilite la mise en œuvre dans certains cas.

 

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