Par Julie Pierrot-Blondeau, Avocat Associée Cabinet BWG

L’article 4 de l’ordonnance n°2020–304 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l’ordre judiciaire statuant en matière non pénale, a ordonné la suppression et le renvoi à une date ultérieure de toutes les audiences et auditions civiles, devant le juge aux affaires familiales et le Juge des enfants, sauf cas d’extrême urgence, à compter du 16 mars dernier.

En cette période de crise sanitaire, des mesures exceptionnelles ont néanmoins été prévues afin de maintenir les contentieux essentiels que sont la protection des victimes d’un conjoint ou d’un parent violent ou maltraitant.

Comment sont protégées les victimes de violences conjugales pendant la crise sanitaire ?

La protection du conjoint victime de violences conjugales demeure un enjeu de premier plan en ces temps de confinement et de repli sur soi des couples au sein du foyer conjugal. Concrètement, un dispositif d’alerte a d’ores et déjà été mis en place, dans l’urgence pour que les victimes se signalent auprès des pharmacies, ce qui permet aux forces de police d’intervenir en cas de besoin.

Ces situations graves font également l’objet d’un traitement prioritaire dans les commissariats et gendarmeries ; une permanence est assurée auprès du Parquet, et les tribunaux assurent les audiences pénales urgentes en la matière.

Pour les examens de victimes sur réquisition judiciaire, les UMJ (Unité médico-judiciaire) assurent les consultations urgentes : agressions sexuelles récentes, examens de coups et blessures pour les victimes dont l’auteur est en garde à vue (urgence procédurale). Le dispositif TGD (Téléphone grave danger) est toujours effectif.

Sur le plan civil, et en marge de la mise en œuvre de l’action publique et de la répression pénale, le Juge aux affaires familiales peut toujours être saisi en urgence pour rendre une ordonnance de protection destinée à éloigner le conjoint violent, et ce, pour une durée maximale de 6 mois.

La quasi-totalité des audiences civiles pendantes ont été suspendues à l’exception de ce contentieux spécifique (et du contentieux enlèvement international d’enfant), pour lequel une permanence est même assurée auprès des affaires familiales dans les Tribunaux Judiciaires.

Les parties devront respecter le principe du contradictoire, par tous moyens, en échangeant leurs actes et les pièces utiles aux débats, et permettre au juge de s’assurer que celui-ci aura été respecté.

Dès lors que les parties sont assistées ou représentées par un avocat, le juge pourra décider de ne pas fixer d’audience. Il déterminera alors le moyen le plus adapté pour faire respecter le principe du contradictoire et permettre le déroulement procédural (visio-conférence, échanges de pièces par voie électronique, appels téléphoniques).

Les décisions seront adressées aux parties et aux avocats, par tous moyens, mais le plus souvent par voie électronique, toujours dans le souci d’éviter déplacement et exposition des parties et des personnels des tribunaux.

L’éloignement du conjoint violent reste donc possible, en dépit des mesures restrictives de la liberté de circulation des individus, la priorité, restant évidemment la protection du conjoint victime qui doit s’assurer de pouvoir demeurer sereinement chez lui, le cas échéant avec les enfants.

Sur le plan pratique, elle pose néanmoins la question du relogement à court terme du conjoint violent, qui se retrouve ainsi sans domicile, en pleine période de confinement et avec interdiction de se reloger hors de son cercle familial, pour des raisons sanitaires.

Comment sont protégés les enfants en situation de danger pendant la crise sanitaire ?

De la même manière, en la matière, seules les décisions urgentes interviendront, au besoin après la tenue d’une audience. Le Juge des enfants peut toujours être saisi de nouvelles demandes, et décider s’il y a lieu ou pas à la mise en place d’une mesure d’assistance éducative (AEMO) pour une durée maximale de 6 mois, ou ordonner, au préalable, une mesure judiciaire d’investigation éducative (MJIE) ou une expertise.

Ont également été modifiés les délais très courts en matière de placement, afin d’assurer la tenue effective des audiences, après une ordonnance de placement provisoire, et ainsi éviter l’interruption de la mesure qui susciterait un retour du mineur dans sa famille pour un simple délai de procédure (Article 1184 et 1185 du CPC).

Le juge des enfants conserve également toute faculté pour suspendre ou modifier les droits de visite et d’hébergement d’un parent, sans audience et par décision motivée, le maintien des liens entre l’enfant et ses parents étant préservé par tout moyen – même si la fermeture actuelle des espaces rencontre parents / enfants porte atteinte à ce principe. Là encore, le juge des enfants peut tenir des audiences civiles par tous moyens de communication moderne.

Qu’advient-il des mesures de protection en vigueur et qui arrivent à échéance pendant la crise sanitaire ?

Pour les ordonnances de protection déjà ordonnées avant l’entrée en vigueur des dispositions relatives à l’urgence sanitaire, et dans le même état d’esprit, il était impératif de pouvoir garantir la sécurité des victimes de violences conjugales et la continuité des mesures de protection les concernant.

Il est expressément prévu que les ordonnances de protection qui arrivent à expiration en cours de confinement seront systématiquement prolongées de deux mois à l’issue de leur date d’expiration.

Le Juge des enfants conserve la possibilité de renouveler une mesure ou lever une mesure d’assistance éducative qui n’aurait plus lieu d’être, après simple consultation écrite des parents, ou renouveler une mesure d’interdiction de sortie du territoire (Cf. les enlèvements d’enfants qui demeurent également un contentieux essentiel).

A défaut, les mesures de protection qui arrivent à expiration en ce moment, seront systématiquement prolongées pour la même durée, c’est-à-dire pour une durée de deux mois à l’issue de leur date d’expiration.

Ces mesures d’urgence permettent d’assurer la continuité des mesures de protection judiciaire dans l’intérêt des familles.

Les numéros d’urgence complètent ce dispositif et demeurent également joignables par toutes les victimes : l’appel au 17 pour joindre la Police, la plate-forme arretonslesviolences.gouv.fr, le numéro 114 joignable par SMS, l’appel au 3919, spécialement destiné aux femmes victimes de violences, l’application téléphonique App’elles qui permet de contacter trois tiers de confiance à prévenir en cas d’urgence pour solliciter de l’aide.

Pour les enfants, enfin, l’appel au 119, le numéro consacré à l’enfance en danger, pour les victimes ou pour les personnes souhaitant effectuer un signalement.

 

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