Par Olivier Duhamel, Président de la Fondation nationale des sciences politiques, membre du Club des juristes

Il ne s’agit que d’une petite minorité.

Ils peuvent avoir parfois quelque excuse, par exemple celle de la déprime occasionnelle après un échec, ou structurelle à cause d’accidents dans leur vie, ou celle de l’inconscience de la jeunesse, ou encore la volonté de défier le pire.

Ils ne sont pas tous critiquables ni condamnables au même degré.

Ils n’en sont pas moins, et à tout le moins cons, et parfois, parfois plus : franchement salauds.

Les salauds d’abord.

Les pires : les profiteurs du coronavirus, comme autrefois les « profiteurs de guerre », les voleurs revendeurs de masques au marché noir. Ceux qui dérobent dans les hôpitaux, au sommet de la saloperie ; ceux qui détournent leur contingent reçu en pharmacie, juste après. La combinaison du numérique et de la pandémie voit apparaître un nouveau type d’escroc, le cyber-délinquant qui multiplie les faux appels aux dons sur internet.

Pas loin derrière: ceux qui trichent avec le chômage technique pour faire travailler leurs salariés sans les payer, l’exact inverse de la solidarité.

Ensuite: les menteurs et traîtres, ceux qui disent avoir tout prévu mais n’ont rien dit, qui donc mentent aujourd’hui en détruisant le minimum requis de confiance envers nos gouvernants ou ont menti hier alors qu’ils étaient en responsabilité.

Les racistes qui ont craché à la figure d’un asiatique croisé sur leur chemin.

Les irresponsables ensuite. Pas ceux qui ont fait la fête lundi soir, ils avaient bien le droit de s’offrir un dernier moment joyeux. Réflexe ancestral, comme l’explique Jean-Louis Bourlanges dans L’Opinion de ce jeudi 19 mars : « Après avoir franchi les Pyrénées, les Alpes et vaincu quatre armées romaines successives, le Carthaginois Hannibal marchait sur Rome, en 211 avant Jésus-Christ. La peur était telle que les Romains se sont livrés à des orgies et des bacchanales sans précédent ».

Ceux qui ont continué à se croiser de près sur les plages forçant du coup les autorités à les fermer. Ceux qui refusent d’admettre que pour se protéger et protéger les autres, il faut se confiner. Ceux qui veulent vous embrasser ou vous serrer la main par bravade. Ceux qui se promènent sans respecter le mètre de distance barrière.

Les fanfarons aussi. Les « y a qu’à, faut qu’on ». Et même parfois « y avait qu’à, fallait qu’on » mais qui, bien que disposant d’une parole publique, n’avaient rien préconisé – ou préconisé le contraire, et reprochent maintenant au pouvoir de ne pas avoir fait ce qu’ils disent aujourd’hui, c’est-à-dire l’inverse de ce qu’ils exigeaient hier.

Les complotistes enfin. Ceux qui affirment qu’il s’agit d’un virus créé par le pouvoir (un passant m’invectivant dans la rue lundi). Ou d’un canular des démocrates (Trump le 28 février). Ou d’une invention de Satan (le chef d’une église évangélique au Brésil). Les tristes champions des fake news, tel cet illuminé (si l’on peut dire) qui impute le virus à l’Institut Pasteur.

Mais les meilleurs aussi. Dans les temps extrêmes, les pires et les meilleurs deviennent plus visibles ou se révèlent. Voyons aussi le meilleur, à l’opposé des « cons du confinement » : l’exceptionnel dévouement des « héros en blouse blanche »; celui aussi des innombrables acteurs au front, agriculteurs, distributeurs, caissières, travailleurs sociaux, éducateurs spécialisés, chauffeurs routiers, livreurs, postiers, éboueurs… ; ces PME de confection qui spontanément se transforment en producteurs de masques ; ceux qui travaillent douze ou quinze heures par jour, responsables pédagogiques, enseignants, salariés qui gardent leurs enfants tout en travaillant à distance…

Autre différence considérable avec la vraie guerre vécue par nos aînés: loin de s’effondrer, l’État républicain tient. Mieux, il excelle, travaille jour et nuit, respecte le Parlement, lui soumet trois projets de loi, prépare des dizaines d’ordonnances pour contenir l’épidémie et préserver ce qui peut l’être de l’économie…

Terminons en regardant les arcs-en-ciel qui prospèrent, les apéros par Facetime ou autre entre amis, les applaudissements sur les balcons le soir venu, les artistes qui réalisent des mini-concerts et les mettent en ligne… Petit-à-petit, chacun fera sien le mot d’ordre : chacun chez soi, chacun pour tous.

 

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