Par Virginie Peltier, Professeur à l’Université de Bordeaux, Responsable du parcours Criminologie, Institut de sciences criminelles et de la justice (EA 4633)

Fort d’un plafond porté à 400 heures et de la création d’une agence nationale qui lui est consacré, le travail d’intérêt général (TIG) a fait l’objet d’une promotion notable par la loi du 23 mars 2019 qui a souhaité en faire une véritable alternative à l’emprisonnement. L’initiative de la mairie de Poissy confirme l’intérêt que suscite cette peine, mais il ne faudrait pas pour autant en idéaliser la portée.

Le travail d’intérêt général peut-il être infligé rapidement après l’infraction ?

Si l’on peut penser que le recours au TIG entraîne moins de lourdeur que l’emprisonnement auquel il a vocation à se substituer, il n’est pas sûr qu’il débouchera, comme souhaité par le maire de Poissy, sur une réponse pénale « dans les deux mois du délit ». En effet, tout d’abord, il faut prendre en compte que le TIG, peine principale en matière correctionnelle comme contraventionnelle, doit par hypothèse, être prononcé par un tribunal, qui devra avoir été saisi et ne se prononcera que sur une affaire qui aura été mise en état d’être jugée (ce qui présuppose que le ou les auteurs aient été identifiés et la lumière faite sur les circonstances de l’infraction notamment, ce qui peut nécessiter l’ouverture d’une instruction préparatoire). En revanche, il est possible d’y recourir dans le cadre d’une composition pénale (CPP, art. 41-2 6°), mais pour une durée d’une centaine d’heures maximum (depuis la loi n° 2021-401 du 8 avril 2021 améliorant l’efficacité de la justice de proximité et de la réponse pénale, l’ancien plafond étant de 60 heures) et dans un délai pouvant s’étendre jusqu’à 6 mois. De même, le maire peut, dans le cadre de son pouvoir de transaction, en matière contraventionnelle, tant que l’action publique n’a pas été mise en mouvement, proposer au contrevenant l’exécution, au profit de la commune, d’un travail non rémunéré pendant une durée maximale de trente heures, en réparation du préjudice (CPP, art. 44-1, al. 5). Il a encore la faculté de demander au procureur de la République de prendre l’une des mesures des articles 41-1 et 41-3 du Code de procédure pénale, donc, au titre de ce dernier texte, un travail non rémunéré d’une durée de trente heures, dans un délai maximum de trois mois lorsque l’infraction n’a pas été commise au préjudice de la commune mais l’a été sur son territoire (CPP, art. 41-3, al. 2). Mais le travail envisagé, que cela soit dans le cadre d’une composition ou du pouvoir de transaction du maire, ne correspond aucunement à la peine située en deuxième position de l’échelle des peines correctionnelles.

Le travail d’intérêt général peut-il être exécuté rapidement après l’infraction ?

Une fois le tribunal saisi et le TIG prononcé, tout dépendra du temps de sa mise à exécution, variable selon les juridictions, une circulaire du garde des Sceaux du 1eroctobre 2020 incitant d’ailleurs les parquets à réduire les délais d’exécution des peines de TIG. La proposition de fédérer un réseau national de villes TIGeurs permettrait-elle d’accélérer l’effectivité de la sanction ? Cela n’est pas si sûr : si l’édile considère que l’agence nationale du TIG est défaillante (d’où sa proposition d’organiser « un maillage de communes qui échangeront leurs travaux d’intérêt général »), il reste que celle-ci dispose de moyens lui permettant de centraliser, outre les postes disponibles dans les communes, ceux offerts par les autres partenaires, tant publics que privés, pour offrir ainsi aux intervenants judiciaires (magistrats, SPIP, avocats, PJJ ou organismes d’accueil) une vision en temps réel de l’offre de poste de TIG existante sur l’ensemble du territoire, grâce à sa plateforme numérique TIG 360°.

Le travail d’intérêt général peut-il toujours constituer une réponse adaptée à la délinquance ?

Il ne suffit pas qu’une peine soit mise rapidement à exécution pour être utile, encore faut-il aussi qu’elle soit adaptée aux circonstances de commission de l’infraction, à la personnalité de son auteur et à sa situation matérielle, familiale et sociale (C. pén., art. 132-1). Or, même si le plafond du TIG a été porté à 400 heures (à noter que le maximum de 280 heures antérieurement applicable n’était que peu prononcé en raison des difficultés à mobiliser autant de temps une population pénale parfois défaillante et peu assidue), il ne peut pour autant constituer une réponse appropriée pour des comportements violents, faute de proportionnalité entre la gravité de l’acte et la réponse envisagée. Et ce, d’autant que l’infliction d’un TIG prive le juge de la possibilité de recourir en sus à une peine d’emprisonnement (puisqu’il en est une alternative) et qu’il est, par hypothèse, logiquement exclu de la matière criminelle. En d’autres termes, son domaine d’application est limité et réservé aux infractions de faible gravité.

En revanche, il est inexact de penser que l’inexécution d’un TIG ne peut donner lieu à aucune sanction : le juge de l’application des peines peut en effet toujours mettre à exécution tout ou partie de l’amende ou de l’emprisonnement prévu par le tribunal lors du prononcé du TIG, d’un montant maximum égal à celui du délit commis ou 2 ans et 30 000 euros d’amende (C. pén., art. 131-9, al. 2 ; CPP, art. 434-2). Donc, « une vraie sanction » ?