Par Sophie Goosens, Associée spécialiste du droit des médias et de la propriété intellectuelle, et Hugo Le Ridou, Reed Smith LLP

Le « live streaming », qui consiste en la diffusion en direct de contenu audiovisuel sur Internet, est en plein essor en cette période de distanciation sociale liée à l’épidémie de Covid 19. De nombreux artistes, privés de leur public, ont organisé des concerts diffusés sur des plateformes telles que YouTube, Facebook live, Instagram ou Twitch. Les entreprises se prêtent également au jeu du live streaming pour garder contact avec leurs clients et promouvoir leurs marques. Ce moyen de communication soulève néanmoins des sujets juridiques qu’il convient de bien maîtriser avant de se lancer.

Règle n°1 : se familiariser avec les conditions générales de la plateforme

Qui dit live streaming dit prestataire technique et choix du prestataire technique. Que l’on choisisse Zoom ou Twitch, il est important, dans un premier temps, de comprendre que les utilisateurs de ces plateformes contractent sur la base de leurs conditions générales. Il convient de se familiariser avec ces dernières, afin de comprendre quels usages sont autorisés, la possibilité de monétiser ou non son contenu et ainsi de se prémunir contre une possible interruption de diffusion. Certaines plateformes imposent en effet des restrictions concernant le type de contenu qui peut être diffusé, la présence de publicités dans le live stream, ou encore la période d’exclusivité pendant laquelle l’utilisateur ne peut diffuser son contenu en dehors de la plateforme. Certaines plateformes partagent leurs recettes publicitaires avec leurs utilisateurs, d’autres non. Ces aspects peuvent impacter l’utilisateur et sont à prendre en compte dans l’élaboration de sa stratégie de diffusion.

Règle n°2 : respecter les droits des tiers

Au-delà des engagements contractuels avec les plateformes, il sera également nécessaire de vérifier que le live stream respecte les droits des tiers et, plus particulièrement, la législation en matière de droit d’auteur et de droits voisins. En France comme à l’étranger, le droit d’auteur et les droits voisins protègent les œuvres et objets protégés d’une utilisation, adaptation, communication ou copie non consentie par le détenteur des droits sur l’œuvre ou l’objet protégé. Les principales œuvres protégées par le droit d’auteur sont les œuvres originales littéraires, dramatiques, musicales et artistiques, les photographies, extraits sonores, films et diffusions. Les principaux objets protégés par les droits voisins sont les interprétations d’artistes-interprètes, les phonogrammes, les vidéogrammes et les publications de presse. Si l’un de ces éléments apparaît dans le live stream, une autorisation de diffusion devra généralement être obtenue auprès du détenteur des droits sur l’œuvre. En effet, à l’exception des œuvres tombées dans le domaine public, la quasi-totalité des œuvres – y-compris les œuvres librement accessibles sur internet – sont protégées par le droit d’auteur et leur utilisation sans autorisation constitue une infraction pénale dans de nombreuses juridictions.

Il est aussi important de souligner la présence de droits moraux sur ces œuvres et interprétations, qui confèrent à l’auteur et à l’interprète des droits sur son nom et un droit au respect de son œuvre et de son interprétation. L’auteur a notamment un droit de refus de toute modification, suppression ou ajout susceptible de modifier son œuvre initiale et donc une faculté de refuser l’inclusion de son œuvre dans le live stream. En cas d’utilisation modifiée, il sera nécessaire de s’assurer que le consentement des auteurs et des interprètes a été obtenu au préalable.

Règle n°3 : Prêter une attention particulière aux œuvres musicales

Si une œuvre musicale ou son extrait accompagne le live stream, il sera nécessaire de se rapprocher de la la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (SACEM) qui délivre des autorisations de diffusion pour le territoire français. Un live stream diffusé dans plusieurs territoires nécessitera une autorisation de diffusion dans chaque territoire de diffusion. Pour faciliter ces démarches, certaines plateformes ont négocié des accords-cadres pour leurs utilisateurs, permettant à ces derniers de communiquer des œuvres musicales sans avoir à négocier directement avec les sociétés de gestion du droit d’auteur. Pour savoir si une plateforme a signé un accord avec la SACEM, direction les conditions générales !

La SACEM a, à ce titre, récemment annoncé qu’une rémunération supplémentaire serait versée aux auteurs dont la musique a été « live streamée » pendant la période de confinement. Cette rémunération s’appliquera sur les concerts donnés en ligne et en direct sur YouTube, Facebook et Instagram, à partir du 15 mars et jusqu’en juillet et pourrait être étendue à d’autres plateformes. La SACEM a annoncé vouloir faire assumer cette rémunération par les plateformes, mais n’a pas communiqué sur l’obtention d’un accord de la part de ces dernières, qui demeure incertain. En tout état de cause, dans la mesure où ce supplément serait in fine assumé par les plateformes, il est probable que les revenus publicitaires des artistes ayant été à l’initiative de ces concerts en ligne soient diminués d’autant.

Règle n°4 : prendre toutes les précautions nécessaires lors du traitement de données personnelles

Quand un live stream est organisé, la majorité des règles visant à protéger la collecte et l’utilisation des données à caractère personnel établies dans le Règlement général sur la protection des données (RGPD) sont applicables à la plateforme et à l’utilisateur de la plateforme qui est à l’initiative du live stream. Les données d’inscription au stream, les données recueillies par des cookies ou les données concernant le profil des membres du public sont toutes sensibles et il est impératif d’en assurer la conformité avec le RGPD avant de les recueillir.

Pour conclure et pour streamer sur ses deux oreilles il faut :

  • bien choisir sa plateforme ;
  • s’assurer que son contenu ne contient pas d’éléments protégés – ou solliciter les autorisations nécessaires ;
  • se préoccuper de la clearance des droits des musiques ;
  • sollecter des données en conformité avec le RGPD.

Happy streaming !

 

[vcex_button url= »https://www.leclubdesjuristes.com/newsletter/ » title= »Abonnement à la newsletter » style= »flat » align= »center » color= »black » size= »medium » target= » rel= »none »]S’abonner à la newsletter du Club des juristes[/vcex_button]