Par Arnaud Teissier, Docteur en droit, Avocat associé, CAPSTAN Avocats

Le gouvernement a annoncé un plan massif de soutien à l’emploi. Qu’en est-il ?

Pour faire face à la crise que nous traversons, le gouvernement a annoncé un plan massif de soutien à l’emploi, à travers la mise en place d’un dispositif d’activité partielle (anciennement « chômage technique ») modifié en profondeur. Le principe de l’activité partielle reste le même : (i) le contrat de travail est suspendu en tout ou partie ; (ii) le salarié perçoit une allocation pour les heures chômées à hauteur de 70% de la rémunération perdue ; (iii) l’entreprise sollicite auprès des services de l’État le remboursement d’une aide en fonction des montants et modalités fixées par la loi.

Ce sont les modalités du recours à l’activité partielle qui sont facilitées. Certes, l’éligibilité à l’activité partielle n’est pas automatique. Il faut pouvoir justifier des conséquences que la crise épidémique a sur l’activité de l’entreprise et/ou son organisation. Néanmoins, dès lors que ce constat peut être établi, le processus administratif est aujourd’hui simplifié. L’entreprise peut placer ses salariés en activité partielle avant d’avoir finalisé sa demande d’autorisation ; l’avis du comité social et économique, qui doit nécessairement être consulté, peut être transmis à l’administration dans un délai de 2 mois suivant la mise en place de l’activité partielle. L’urgence commande de pouvoir réagir au plus près des événements.

Pour faire face à la crise que nous connaissons, le dispositif d’activité partielle a aussi fortement revu les modalités de prise en charge financière. Deux évolutions majeures méritent d’être soulignées :

  • l’État prend désormais en charge la totalité du coût de l’allocation versée au salarié au titre de l’activité partielle (dans la limite de l’horaire légal ou conventionnel ; avec une rémunération de référence plafonnée à 4,5 SMIC). Jusqu’alors, l’entreprise se voyait rembourser une allocation horaire limitée à 7,74 € dans les entreprises employant jusqu’à 250 salariés ; 7,23 € dans les entreprises à partir de 251 salariés ;
  • le champ des salariés pouvant être pris en charge au titre de l’activité partielle est très largement élargi. L’objectif est de permettre de couvrir le plus grand nombre de salariés afin de limiter la charge de masse salariale pesant sur les entreprises qui ne peuvent plus fournir suffisamment d’activité à leurs équipes.

L’objectif est donc – avant tout – de doter les entreprises d’outils efficaces pour que puissent être évités des licenciements pour motif économique.

Est-ce que cela signifie que les licenciements pour motif économique vont être interdits ?

En l’état du droit, il n’existe pas d’instrument juridique permettant d’interdire la mise en œuvre de procédures de licenciement pour motif économique. Le Premier ministre a confirmé que, à ce stade, le gouvernement n’avait pas l’intention d’interdire les licenciements. Il n’y a d’ailleurs aucune disposition en ce sens dans la loi d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19. La stratégie déployée par le gouvernement consiste avant tout à accompagner les entreprises et à organiser un soutien massif à l’emploi. Le nouveau régime de l’activité partielle, tel qu’il est annoncé, traduit concrètement cette trajectoire. Selon les termes mêmes de l’article 11 de la loi, il s’agit « de limiter les ruptures des contrats de travail et d’atténuer les effets de la baisse d’activité, en facilitant et en renforçant le recours à l’activité partielle pour toutes les entreprises quelle que soit leur taille ».

La prise en charge, par l’État, de la totalité du coût de l’activité partielle permet de soulager la trésorerie des entreprises. L’activité partielle est un outil de prévention des licenciements économiques qui permet de maintenir les salariés dans l’emploi, de conserver les compétences et d’envisager de mieux anticiper un rebond de l’activité.

S’il n’existe pas d’interdiction de licencier, la mise en œuvre d’une procédure de licenciements économiques est-elle pour autant envisageable ?

Très clairement, la situation actuelle va créer de très nombreuses difficultés d’ordre pratique, pour lesquelles manquent souvent des réponses juridiquement fiables. La procédure mise en œuvre pourra, de ce fait, être exposée à des risques contentieux importants. Quelques illustrations.

Pour les procédures de licenciement nécessitant en principe la tenue d’un entretien préalable, celui-ci ne pourra pas se tenir physiquement – ou rarement et en respectant d’infinies précautions – le temps du confinement. On peut imaginer des solutions palliatives (entretien par téléphone ou connexion web) ; mais le salarié devra, quoi qu’il en soit, recevoir une convocation. Beaucoup de salariés ne se rendant plus sur leur lieu de travail (puisqu’ils sont en télétravail ou en activité partielle, donc à leur domicile), il faudra leur adresser une lettre recommandée. Or, les délais d’acheminement par les services postaux deviennent particulièrement aléatoires. Par ailleurs, l’employeur ne peut être assuré que le salarié soit confiné sur son lieu habituel de résidence…

Pour les procédures de licenciement collectif, notamment celles impliquant la consultation du CSE, il faudra envisager de tenir des réunions à distance, par visioconférence, par exemple. Lorsque la procédure implique l’intervention de l’administration du travail, notamment lorsqu’il faut mettre en place un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE), celle-ci devra s’assurer de la régularité de l’information/consultation des instances de représentation du personnel. Or, les aménagements qu’imposeront nécessairement les contraintes du confinement pourront peser au moment de l’étude du dossier par l’administration… Les Direccte (en charge du suivi des PSE) recommandent fortement aux entreprises de suspendre les procédures en cours ou envisagées, faisant valoir que le dialogue social pourrait être impacté durant la période de confinement. Il n’existe donc pas une interdiction de licencier ; néanmoins, l’administration dispose dans les faits de moyens d’agir pour tenter d’en limiter le nombre.

 

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