Prévue par la loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice du 23 mars 2019, l’ordonnance du 11 septembre 2019 a créé la partie législative du Code de la justice pénale des mineurs, qui entrera en vigueur le 1er octobre 2020. Si le texte pourra être modifié à l’occasion de la ratification de cette ordonnance par les parlementaires, les lignes directrices annoncées sont confirmées, avec l’introduction d’un seuil de responsabilité à 13 ans ou encore avec la simplification de la procédure applicable.

Décryptage par Jean-Baptiste Perrier, Professeur à Aix-Marseille Université, Directeur de l’Institut de sciences pénales et de criminologie.

« L’objectif de cette réforme est de simplifier la procédure pénale applicable aux mineurs délinquants et d’accélérer leur jugement »

Pourquoi cette réforme se fera-t-elle uniquement par ordonnance ?

Les raisons avancées par la garde des Sceaux quant à la nécessité de réformer l’ordonnance du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante par voie d’ordonnance étaient connues : la procédure parlementaire serait trop longue et trop complexe, l’adoption d’une telle réforme aurait pris plusieurs mois, ce que le calendrier ne permettait pas (v. le précédent billet http://blog.leclubdesjuristes.com/faut-il-reformer-la-justice-penale-des-mineurs/). Le même argument avait été avancé à propos de la réforme du Code du travail, à l’été 2017, pour justifier l’adoption des « ordonnances Macron ».

De ce point de vue, la procédure d’ordonnance de l’article 38 de la Constitution est bien plus rapide, puisque le Gouvernement, habilité par le législateur, a adopté un texte de nature règlementaire, comme s’il s’agissait d’un décret. Il n’y a donc pas eu de débats parlementaires, pas d’examen en commissions et de discussions souvent longues en séance.

On se souvient que certains avaient critiqué le choix de recourir à la procédure d’ordonnance, car il ne s’agissait pas de réformer un code technique, à l’instar du Code forestier en 2012 ; des choix politiques ont été faits, sans débats avec l’opposition, sans que la discussion parlementaire ait pu enrichir le projet. Certes, l’Assemblée nationale et le Sénat interviendront bientôt pour ratifier l’ordonnance et lui conférer valeur législative, et à cette occasion, les parlementaires pourront apporter certaines corrections. La discussion est toutefois tronquée, ce n’est pas une construction commune, mais une modification à la marge.

En quoi va consister le seuil d’irresponsabilité fixé à 13 ans ?

L’article L. 11-1 du nouveau Code de la justice pénale des mineurs prévoira que les mineurs capables de discernement sont responsables pénalement, avant d’ajouter que les mineurs de moins de treize ans sont présumés ne pas être capables de discernement. Ainsi, par cette présomption, le Code de la justice pénale des mineurs écartera la responsabilité des mineurs de moins de treize ans. Il faut immédiatement préciser qu’il ne s’agit pas d’une irresponsabilité, mais d’une simple présomption, et il sera possible d’apporter la preuve contraire, c’est-à-dire de démontrer que le mineur de moins de 13 ans était capable de discernement et donc est responsable pénalement ; il ne pourra alors faire l’objet que de mesures éducatives.

Il s’agit ici de l’un des points les plus critiqués, certains faisant valoir que l’on ne punira plus les jeunes délinquants, âgés de moins de 13 ans, même pour des faits graves. Il faut toutefois indiquer que nos voisins retiennent des seuils de responsabilité pénale similaires (12 ans aux Pays-Bas ou au Portugal), voire plus élevés (14 ans en Allemagne, en Espagne ou en Italie, 15 ans en Suède) ; avec un seuil souple, situé autour de 7 ans, la France est aujourd’hui l’État le plus sévère d’Europe sur ce point. Il faut encore ajouter que ce seuil de 13 ans est déjà celui à partir duquel un mineur peut, aujourd’hui et en vertu de l’article 122-8 du Code pénal, faire l’objet d’une peine, en particulier d’une peine d’emprisonnement. Du point de vue des peines, rien ne changera : au-delà de 13 ans, un mineur peut et pourra faire l’objet d’une peine, y compris une privative de liberté, en deçà de 13 ans, il ne peut et ne pourra faire l’objet d’une peine (art. L. 11-4 du Code de la justice pénale des mineurs). L’évolution liée à ce prétendu seuil d’irresponsabilité est donc avant tout symbolique.

Comment ce nouveau texte va-t-il simplifier la procédure applicable aux mineurs ?

L’une des principales raisons de la modification de la justice pénale des mineurs tenait notamment au souhait de « simplifier la procédure pénale applicable aux mineurs délinquants » et d’« accélérer leur jugement pour qu’il soit statué rapidement sur leur culpabilité ». À cette fin, si le Code de la justice pénale des mineurs maintient l’exigence d’investigations sur la personnalité et la situation du mineur, afin de pouvoir choisir les mesures les plus adéquates.

Pour le jugement des délits et des contraventions (pour les crimes, l’instruction reste obligatoire), le principe sera désormais le suivi de la procédure de mise à l’épreuve éducative (art. L. 521-1 du Code de la justice pénale des mineurs), qui comportera d’abord une audience d’examen de la culpabilité, au cours de laquelle la juridiction statuera sur l’action civile. Puis s’ouvrira une période de mise à l’épreuve éducative, au cours de laquelle le juge des enfants suivra le mineur et pourra mettre en œuvre des mesures provisoires, telles qu’une mesure éducative ou un contrôle judiciaire, voire une détention provisoire pour les mineurs les plus âgés ; l’objectif ici de pouvoir mettre en œuvre ces mesures dans une démarche de sortie de la délinquance, tout en évaluant le comportement du mineur en vue du prononcé de la sanction.

Enfin, dans un délai de 6 à 9 mois après la déclaration de culpabilité, une audience de prononcé de la sanction interviendra et le juge sera alors informé de l’évolution du mineur pendant la phase de mise à l’épreuve éducative.

Il sera bien sûr possible de déroger à cette procédure, lorsque la juridiction de jugement se considérera suffisamment informée sur la personnalité du mineur pour pouvoir se prononcer sur la culpabilité et la sanction au cours d’une même audience. Mais l’objectif est ici d’accélérer, d’unifier et de simplifier la procédure applicable au jugement des mineurs, en évitant l’information judiciaire, court-circuitée en pratique par la procédure officieuse, tout en maintenant le principe d’un accompagnement du mineur avant sa sanction. Les objectifs semblent louables, mais la question se pose de la réception de cette nouvelle procédure par la pratique, en l’état des moyens de la justice.

Pour aller plus loin :

Par Jean-Baptiste Perrier.