Par Charlotte Robbe, Avocat Associée Cabinet BWG

Triste réalité de la pandémie, le taux de mortalité a explosé au cours des dernières semaines.

Sur le plan national, l’augmentation – environ 12,6% au mois de mars par rapport à l’année précédente – est relative. En revanche, certains départements ou régions sont plus fortement impactés. L’excédent de mortalité atteint par exemple 39% dans les régions Grand Est et Ile de France ou encore 128% dans le département du Haut-Rhin pour la même période (données INSEE au 10 avril 2020).

Face à la propagation de l’épidémie, la législation funéraire a dû être modifiée, et des mesures administratives ont été prises pour assurer la continuité du service public sur le contentieux des funérailles.

Quelles sont les modalités de prise en charge des défunts atteints ou présumés atteints par le covid-19 ?

La prise en charge des corps des victimes présumées ou confirmées du virus Covid-19 est un sujet délicat puisqu’il confronte les impératifs sanitaires aux pratiques sociétales, ceci alors que l’on n’a pas encore de certitude quant aux conditions dans lesquelles le virus pourrait être transmis post-mortem.

Dans un premier avis du 18 février 2020, le Haut Conseil de la santé publique a préconisé des mesures « maximalistes » (mise en bière des défunts dans les 24h du décès, interdiction des soins de corps et des actes de thanatopraxie). Puis a rendu le 24 mars 2020 un avis plus nuancé (considérant que post décès, les voies de transmission sont réduites), visant à recommander la stricte observance des règles d’hygiène et des mesures barrières, mais en considérant également la nécessité de « respecter dans leur diversité les pratiques culturelles et sociales autour du corps d’une personne décédée ».

Le gouvernement a pris position le 1er avril 2020 (Décret n°2020-384 du même jour complétant le décret n° 2020-293 du 23 mars 2020) en interdisant expressément les soins de conservation comme les toilettes mortuaires, et en prescrivant la mise en bière immédiate du corps des défunts. Ces mesures s’appliquent aux défunts atteints ou « probablement atteints du covid-19 ».

Le gouvernement a donc opté pour de mesures contraignantes pour les familles.

Comment s’organisent les obsèques en temps d’épidémie et de confinement ?

Les services funéraires, les lieux de culte, qui peuvent être amenés à recevoir des cérémonies funéraires, ont été autorisés à poursuivre leurs activités. Mais les cérémonies d’obsèques n’échappent pas aux mesures restrictives destinées à limiter la propagation de l’épidémie.

Des cérémonies funéraires sont donc possibles, et peuvent d’ailleurs justifier le déplacement des personnes hors de leur domicile, malgré le confinement, pour « motif familial impérieux » (Décret du 23 mars 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de covid-19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire, art.3), mais leur format est adapté et limité.

Les cérémonies funéraires ne peuvent réunir plus de 20 personnes (art. 8).

S’agissant des cérémonies funéraires organisées dans les cimetières ou crématoriums, qui sont fermés s’agissant de lieux publics, elles sont permises, mais l’Etat a précisé que le nombre de personnes présentes autorisées « pouvait » être limité, pour qu’elles soient en mesure de respecter les mesures barrière et de distance sociale (cf. Fiche d’actualité du 30 mars 2020 à l’attention des services de préfecture relative aux impacts de l’épidémie de covid-19 dans le domaine funéraire).

Manifestement, les pratiques sont très inégales sur le territoire et il est difficile de dégager un cadre général.

Il semble que, en cas d’inhumation, le nombre de 20 personnes est couramment retenu. Attention toutefois, il faut parfois déduire le personnel des services funéraires, ce qui réduit d’autant le nombre de proches pouvant assister aux obsèques.

Il en va différemment en revanche des crémations (Crémation : les familles sont privées de cérémonies, V. Lazard, 18 avril 2020, L’Obs). De nombreuses familles ne sont pas autorisées à accompagner le cercueil de leurs proches, et sont parfois même privées d’un moment de recueillement.

L’Etat, via la Direction générale des collectivités territoriales, a pourtant souligné que, si le nombre de personnes autorisées à entrer dans le crématorium ou la chambre funéraire pouvait être réduit, jusqu’à deux personnes au même moment, les équipements funéraires devaient rester ouverts « en ce qu’ils assurent un service public essentiel à la vie de la Nation ».

Quid du contentieux funéraire ?

Avec malheureusement de nombreux décès survenant brutalement et parfois chez des patients jeunes, il est probable que beaucoup de personnes décèdent sans avoir pu exprimer leurs volontés quant aux conditions de leurs obsèques.

Dans une telle hypothèse, il revient aux proches du défunt de pourvoir à l’organisation des funérailles, conformément à ce qu’auraient été ses souhaits. Des dissensions peuvent survenir (inhumation ou crémation ? caractère civil ou religieux de la cérémonie ? Lieu d’inhumation ?).

Le recours au juge est possible. Ce contentieux relève de la compétence du tribunal judiciaire (R. 211-3-3 du code de l’organisation judiciaire (COJ) et plus précisément des chambres de proximité (D. 212-10-1 du COJ) du lieu du décès ou du dernier domicile du défunt en France lorsque le décès survient à l’étranger (R. 211-14 du COJ).

Dans le contexte du confinement (Décret du 23 mars 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de covid-19 dans le cadre de l’état d’urgence), les présidents de juridictions ont fait l’arbitrage de fermer les tribunaux de proximité (anciens tribunaux d’instance, se trouvant sur des sites isolés c’est-à-dire sur des communes dans lesquelles il n’y a pas de tribunal judiciaire).

L’activité a été transférée au sein des tribunaux judiciaires, et une permanence quotidienne est en principe organisée pour qu’un magistrat prenne en charge ce contentieux. Une permanence est aussi organisée au sein des Cours d’appel. Jean-Michel HAYAT, Premier Président de la Cour d’appel de Paris, a ainsi annoncé la création d’un service dédié au contentieux funéraire au sein de sa juridiction, afin d’éviter « d’ajouter du désordre au chagrin » (cf. Penser l’après-crise, J-M HAYAT, 1er avril 2020, Club des juristes).

Ces mesures sont bienvenues puisqu’en cette matière, les juges sont tenus de rendre leur décision dans un délai de vingt-quatre heures (Art. 1061-1 du code de procédure civile) et l’appel doit être interjeté dans les vingt-quatre heures de la décision devant le premier président de la cour d’appel qui doit statuer immédiatement.

La continuité du service public impose que des magistrats de permanence soient mobilisés, mais il ne semble pas que soit observée une augmentation du contentieux, qui est assez marginal en temps normal, et le reste donc en ces temps exceptionnels.

Existe-t-il des mesures destinées à garantir le fonctionnement des services funéraires ?

Les services funéraires sont autorisés à poursuivre leurs activités.

Face aux inquiétudes manifestées par les professionnels du secteur et relayées par certains maires, le gouvernement a pris soin de faciliter autant que possible l’exécution de leurs missions, en allégeant un certain nombre de règles propres au droit funéraire (Décret du 27 mars 2020 portant adaptation des règles funéraires en raison des circonstances exceptionnelles liées à l’épidémie de covid-19): suppression de certaines déclarations et autorisations préalables obligatoires (déclaration préalable au transport des corps, autorisation de fermeture des cercueils…), ou encore la prorogation des habilitations délivrées aux opérateurs funéraires pour la réalisation des services funéraires jusqu’au 31 décembre 2020…

Les opérateurs funéraires ont également la possibilité de déroger aux délais d’inhumation ou de crémation (lesquels doivent en principe intervenir entre 24h et 6 jours suivant le décès) pour une durée maximale de 21 jours. Ce délai peut même être plus important encore sur décision du Préfet.

Face à l’ampleur de l’épidémie, et afin de soulager les services funéraires confrontés à une surmortalité dans leurs régions, les autorités départementales ont par ailleurs reçu l’autorisation de procéder à la réquisition de biens ou services pour garantir la bonne exécution des opérations funéraires (Décret n°2020-384 du 1er avril 2020). Ainsi, le 1er avril dernier, le préfet de police de la zone de défense et de sécurité d’Ile de France a réquisitionné un entrepôt du marché de Rungis pour accueillir les corps de victimes du covid-19.

 

Textes de référence :

 

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