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Justice Pénale Des Mineurs

Entrée en vigueur du Code de justice pénale des mineurs : Quelles innovations et quelles perspectives ?

Par Philippe Bonfils, Professeur à Aix-Marseille Université, Doyen honoraire de la faculté de droit et de science politique et Avocat au barreau de Marseille

Le 30 septembre 2021, le Code de la justice pénale des mineurs est entré en vigueur, remplaçant l’ordonnance du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante. Réalisée par voie d’ordonnance (sous réserve des ajustements apportés par la loi de ratification), cette codification ne s’est pas faite à droit constant, et elle constitue au contraire une réforme profonde du droit pénal des mineurs délinquants.

D’où vient le Code de la justice pénale des mineurs ?

L’ordonnance du 2 février 1945 souffrait d’imperfections originelles, qui s’étaient aggravées avec le temps et les incessantes réformes dont elle avait fait l’objet. En 2008, la Commission Varinard avait formulé 70 propositions de réforme du droit pénal des mineurs, dont la première était précisément l’adoption d’un Code de la justice pénale des mineurs. C’est donc très clairement dans la lignée du rapport Varinard que s’inscrit le code. Ce texte s’inspire aussi du principe d’autonomie du droit pénal des mineurs, dégagé par le Conseil constitutionnel en 2002 (Cons. Constit. 29 août 2002, déc. n° 2002-461 DC), et du concept d’intérêt supérieur de l’enfant, proclamé à l’article 3.1 de la Convention internationale des droits de l’enfant du 20 novembre 1989. L’article préliminaire qui ouvre le code, et qui constitue en quelque sorte la boussole, affiche ouvertement cette double parenté.

Quelles sont les principales innovations du Code ?

L’innovation la plus visible concerne la fixation du seuil de la responsabilité pénale à l’âge de 13 ans. Dans le silence de l’ordonnance de 1945 sur ce point pourtant essentiel, la Cour de cassation avait fait du discernement le critère de la responsabilité pénale (Cass. Crim., 13 décembre 1956, arrêt Laboube, D. 1957, p. 109, note Patin), et, au cas par cas, on retenait généralement le discernement entre les âges de 7 et 9 ans. L’article L. 11-1 du code semble reprendre ce lien entre discernement et responsabilité pénale, mais il présume que le discernement est absent en dessous de l’âge de 13 ans, et acquis à partir de l’âge de 13 ans. Ce faisant, et même s’il s’agit d’une présomption simple, c’est bien le seuil de 13 ans qui est désormais le véritable seuil de responsabilité pénale, et s’agissant d’une disposition de fond nouvelle et plus douce, elle a vocation à rétroagir et à s’appliquer aux faits commis avant l’entrée en vigueur du code.

Autre innovation notable, le code réorganise les mesures éducatives encourues par les mineurs, autour de deux mesures : l’avertissement judiciaire et la mesure éducative judiciaire. La première fusionne en quelque sorte les mesures d’admonestation, d’avertissement solennel et de remise à parents. La seconde, inspirée par la l’ancienne liberté surveillée, est une mesure pouvant comprendre des interdictions et obligations et surtout des modules (d’insertion, de soin, de réparation, de placement), qui eux-mêmes sont susceptibles de différentes modalités. Ces mesures, modules et modalités sont cumulables entre eux et avec les peines, mais le principe de la primauté de l’éducation sur la répression est consacré solennellement.

La principale innovation concerne la procédure, du moins en matière de contravention de 5e classe et de délit ; la procédure applicable aux crimes et aux contraventions des quatre premières classes est sans changement (compétence du tribunal pour enfants ou de la cour d’assises des mineurs pour les crimes, et du tribunal de police pour les contraventions de quatre premières classes). S’agissant des délits et des contraventions de 5e classe, le juge des enfants perd la fonction d’instruction, de sorte que l’information judiciaire devient en ces matières exceptionnelle, et réservée au juge d’instruction. Surtout, la procédure est désormais en principe la mise à l’épreuve éducative, c’est-à-dire une procédure composée de deux audiences, l’une sur la culpabilité et l’action civile qui intervient dans un délai de 10 jours à 3 mois à partir de la convocation ou du défèrement, et l’autre sur la sanction qui intervient dans un délai de 6 à 9 mois à compter de la première audience ; dans l’intervalle, la période de mise à l’épreuve éducative est mise à profit pour réaliser des investigations sur la personnalité, et pour appliquer une mesure éducative judiciaire provisoire et/ou des mesures de sûreté (contrôle judiciaire, assignation à résidence électronique, détention provisoire). Cette procédure de césure en deux audiences au fond, qui avait été proposée la commission Varinard, est finalement généralisée par le code, afin de concilier rapidité de la réponse et temps de prise en charge éducatif.

Mais le code permet, dans certaines situations, de déroger à la césure, et de se contenter d’une audience unique, intervenant dans un délai de 10 jours à 3 mois. C’est d’abord le cas, logiquement, en cas de relaxe : point n’est besoin d’une seconde audience. C’est aussi le cas lorsque le tribunal pour enfants est saisi par un renvoi du juge d’instruction, car dans cette hypothèse, les investigations sur la personnalité et un travail éducatif provisoire ont pu être réalisés pendant l’information judiciaire. C’est encore le cas lorsque la juridiction se considère suffisamment informée sur la personnalité du mineur et n’estime pas nécessaire d’ouvrir une période de mise à l’épreuve éducative au vu des faits commis par le mineur et de sa personnalité (art. L. 521-2 CJPM) ; la juridiction ne peut cependant prononcer de peines que si le mineur a déjà fait l’objet d’une mesure éducative, d’une mesure judiciaire d’investigation éducative, d’une mesure de sûreté, d’une déclaration de culpabilité ou d’une peine prononcée dans le cadre d’une autre procédure, et ayant donné lieu à un rapport datant de moins d’un an. Enfin et surtout, le code prévoit que le procureur de la République peut, à titre exceptionnel, saisir le tribunal pour enfants d’une audience unique après un défèrement (art. L. 423-4 al. 4 et L. 521-26 et L. 521-27 CJPM) lorsque les conditions suivantes sont réunies :

  • Si la peine encourue est supérieure ou égale à cinq ans d’emprisonnement pour le mineur de moins de seize ans, ou si la peine encourue est supérieure ou égale à trois ans d’emprisonnement pour le mineur d’au moins seize ans.
  • Si le mineur :
  • À déjà fait l’objet d’une mesure éducative, d’une mesure judiciaire d’investigation éducative, d’une mesure de sûreté, d’une déclaration de culpabilité ou d’une peine prononcée dans le cadre d’une autre procédure et ayant donné lieu à un rapport datant de moins d’un an ;
  • Ou est également poursuivi pour le délit prévu par le dernier alinéa de l’article 55-1 du code de procédure pénale (refus de se soumettre aux opérations de prélèvement).

Les conditions posées par le texte ne sont guère exigeantes, et laissent une marge de manœuvre assez large au parquet, même si le texte précise que l’audience unique ne doit être envisagée qu’à titre exceptionnel. Le domaine d’application de cette audience unique sera évidemment à surveiller dans les mois qui viennent.

Quelles perspectives pour le Code de la justice pénale des mineurs ?

Le Code est entré en vigueur le 30 septembre 2021, et il est évidemment trop tôt pour en dresser un bilan, d’autant que les procédures engagées avant l’entrée en vigueur du code se poursuivent sous l’ordonnance de 1945. On peut cependant considérer que le code va bouleverser nos habitudes, notamment s’agissant de l’appréciation du discernement et du seuil de responsabilité pénale. Mais ce code aura-t-il la même longévité que l’ordonnance de 1945 ? Cela dépendra de la force avec laquelle sera défendu le projet d’un code de l’enfance (ou de la minorité) qui est déjà réclamé par certains universitaires et praticiens.

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