Par Jacques-Henri Robert, Professeur émérite de l’Université Panthéon-Assas (Paris 2), Expert du Club des juristes

Les peines encourues par les assassins de policiers coïncident avec le maximum de celles qui sont prévues par le Code pénal. Elles ne peuvent donc pas être aggravées. Mais le fonctionnement de la justice et plus généralement celui des services de l’État peuvent être améliorés pour empêcher l’apparition de carrières criminelles chez les adolescents et les jeunes adultes.

Comment sont actuellement sanctionnées les agressions à l’encontre de policiers ou de gendarmes ?

Le meurtre ou l’assassinat (c’est-à-dire le meurtre prémédité) d’un policier ou d’un gendarme, mais aussi d’autres personnes dépositaires de l’autorité publique comme les magistrats ou les membres de l’administration pénitentiaire et les sapeurs-pompiers, font encourir le maximum de toutes les peines prévues par le Code pénal : la réclusion à perpétuité assortie d’une période de sûreté de trente ans (art. 221-3 et 221-4 C. pén.), c’est-à-dire de l’impossibilité pour le juges de l’application des peines d’accorder au condamné une suspension de peine, un placement à l’extérieur, une permission de sortir, la semi-liberté ou la libération conditionnelle. Le Code ajoute aussi que si la cour d’assises « prononce la réclusion criminelle à perpétuité, [elle peut] décider qu’aucune des mesures énumérées à l’article 132-23 ne pourra être accordée au condamné », autrement dit que la période de sûreté est également perpétuelle (mêmes articles).

Au cas où la peine ne serait pas perpétuelle, le meurtrier ou l’assassin pourra, après son terme, être maintenu en détention au titre de la « rétention de sûreté » s’il est établi qu’il présente une particulière dangerosité caractérisée par une probabilité très élevée de récidive parce qu’il souffre d’un trouble grave de la personnalité (art. 706-53-13 C. proc. pén.).

Parmi les peines complémentaires (celles qui ne sont pas la privation de liberté), figurent aussi l’interdiction de séjour (art. 221-9, 4° C. pén.) et le suivi socio-judiciaire qui est une surveillance policière et une injonction de soins (art. 221-9-1) et, pour les étrangers, l’interdiction définitive du territoire (art. 221-11).

Ces peines rassemblées sont encore plus sévères que celles qui sanctionnent les crimes contre l’humanité (art. 211-1).

Les violences volontaires contre un policier ou un autre détenteur de l’autorité qui ne sont pas suivies de mort font, elles aussi, encourir des peines aggravées mais l’élévation des sanctions est moins remarquable.

Les peines privatives de liberté encourues par le coupable sont portées de 10 à 15 ans en cas d’infirmité permanente (art. 222-10) et de 1 à 5 ans en cas d’incapacité de travail supérieure à 8 jours (art. 222-12) ; si la durée de l’incapacité est inférieure, la peine est de 3 ans d’emprisonnement (art. 222-13) alors que les violences volontaires commises contre des citoyens ordinaires et qui ont cet effet, ne constituent que ces contraventions punies de 1 500€ d’amende.

Une longue liste de peines complémentaires est prévue par les articles 222-44 à 222-48-2, mais aucune n’est spécifique aux violences contre les policiers et gendarmes.

Après l’assassinat d’Éric Masson, policier à Avignon, comment les peines contre les agresseurs de policiers et gendarmes pourraient-elles évoluer ?

Il est impossible d’élever encore les peines encourues pour meurtre ou assassinat et celles qui sanctionnent les violences volontaires sont déjà très dissuasives.

Aussi n’est-ce pas leur aggravation que les syndicats de policiers demandent. Ils regrettent les lenteurs de l’instruction préparatoire et celles même de l’enquête de police, qui en effet se sont compliquées : sous l’influence de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, la loi a en effet beaucoup accru les droits de la défense, mais aussi ceux des victimes, et leur exercice ralentit le travail des magistrats instructeurs et des policiers.

Les syndicats de policiers recommandent aussi une intervention judiciaire plus énergique à l’égard des jeunes délinquants qui s’engagent dans une carrière délictuelle laquelle deviendra criminelle. Il faut éradiquer ces penchants dès qu’ils se manifestent par de petits délits comme les outrages ou les refus d’obtempérer commis par des adolescents ou de jeunes majeurs. Est ainsi recommandée la suppression du rappel à la loi, prononcé par le procureur de la République ou son représentant :  ce n’est qu’une admonestation ressentie comme un pardon, mais abondamment pratiquée (art. 41-1, 1° C. proc. pén.). La chronique judiciaire montre en effet que les délinquants qui comparaissent devant les tribunaux correctionnels ou les cours d’assises ont déjà commis un grand nombre d’infractions dont beaucoup n’ont pas été sérieusement sanctionnées.

Cependant, les criminologues déconseillent vigoureusement, et depuis longtemps, l’application des courtes peines d’emprisonnement au motif qu’elles sont plus corruptrices que correctrices. C’est pourquoi l’article 132-19 du Code pénal interdit aux tribunaux de prononcer une peine égale ou inférieure à un mois, quelle que soit la gravité de la peine encourue. Si la peine prononcée est inférieure ou égale à six mois, elle doit sauf impossibilité résultant de la personnalité ou de la situation du condamné, être exécutée en totalité sous le régime de la détention à domicile sous surveillance électronique, de la semi- liberté ou du placement à l’extérieur.

Mais ces restrictions ne concernent pas le prononcé des peines de substitution à l’emprisonnement, et notamment les travaux d’intérêt général dont le maximum a été élevé à 400 heures par la loi du 23 mars 2019. On en attend une réhabilitation de la personnalité du condamné (voir l’article de Virginie Peltier sur le blog du Club des juristes : Le travail d’intérêt général, solution miracle face à l’emprisonnement ?).

Quelles que soient les dispositions légales, les peines subies en prison ou en liberté doivent être exécutées effectivement. Ce n’est pas le cas et l’inapplication des peines du fait de l’administration est la cause de l’augmentation de la petite délinquance, première marche vers les crime.

A défaut d’aggravation des peines, quelles autres mesures pourraient être envisagées ?

Les meurtres et agressions contre les policiers sont souvent inspirés par la haine de l’autorité mais l’élimination de cette cause n’incombe pas à la justice.

Pour rendre plus efficace la réponse judiciaire aux meurtres et agressions de policiers et gendarmes, les poursuites et le jugement contre ces infractions, criminelles ou correctionnelles, pourraient être régis par les procédures particulièrement énergiques déjà organisées par le Code de procédure pénale sous le titre « De la procédure applicable à la criminalité et à la délinquance organisées et aux crimes » par ses articles 706-73 à 706-106 : spécialisation des juridictions d’instruction et de jugement, pouvoirs étendus d’investigation attribués à l’autorité  judiciaire pendant l’enquête et l’instruction : sonorisation, géolocalisation, infiltration, perquisitions nocturnes, gardes à vue prolongées, surveillance des personnes etc.. La réforme serait très facile à réaliser par une addition à la liste des infractions dont la recherche et la constatation des crimes et délits sont soumises à ces dispositions spéciales.

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