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Directive énergies renouvelables sous examen du Parlement européen : objectifs renforcés pour une politique climatique globale cohérente

Par Michel Degoffe – Professeur de droit public à l’Université Paris Cité[1]

Le Parlement européen réexamine actuellement la directive relative à la promotion de l’utilisation de l’énergie produite à partir de sources renouvelables (directive du 11 décembre 2018). Mercredi dernier, 14 septembre 2022, il a voté une disposition en vertu de laquelle la part des énergies renouvelables sera portée à 45% d’ici à 2030 dans l’énergie consommée dans l’Union européenne. Pour mémoire, en 2020, cette part de l’énergie renouvelable dans l’énergie consommée au sein de l’UE s’élevait à 22,1%.

Dans quel contexte intervient le réexamen de la directive énergies renouvelables par le Parlement européen en ce moment ?

Avant même son réexamen, il faut noter que la directive de 2018 fixe déjà des objectifs très contraignants puisqu’initialement et avant d’être portée à 45%, cette part de l’énergie renouvelable dans la consommation totale d’énergie devait être de 27% et finalement, le texte avait retenu au moment de son adoption un pourcentage de 32%. En 2018, l’Union européenne avait ainsi relevé ses ambitions pour tenir compte des engagements découlant de l’Accord de Paris. L’Union européenne et les Etats membres ont en effet ratifié cet accord adopté par 196 parties en décembre 2015 dans lequel l’Union européenne s’engage à réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 40% d’ici 2030 par rapport au niveau de 1990. Or pour atteindre cet objectif, il faut réduire la consommation des énergies fossiles (gaz et de pétrole) et donc renforcer la part des énergies renouvelables puisque, dans le même temps, l’Union européenne avait des réticences, légèrement atténuées depuis, à reconnaître les vertus du nucléaire.

Cette politique de réduction des émissions de gaz à effet de serre comporte ainsi deux aspects que, par exemple, la loi relative à la transition énergétique de 2015, en France, exprimait : d’une part favoriser le développement des énergies renouvelables (éolien, énergie solaire, thermique et photovoltaïque, énergie marines, énergies hydroélectriques, biomasse, gaz produit à partir de déchets et biogaz) et, d’autre part, réduire la consommation d’énergie dans les secteurs gros consommateurs notamment les transports et le logement. La politique de l’Union européenne en la matière comporte également ces deux volets : développement des énergies renouvelables et économies d’énergie. C’est la raison pour laquelle dans le même temps qu’il réforme la directive énergies renouvelables, le Parlement européen modifie également la directive relative à l’efficacité énergétique et relève les objectifs d’économie d’énergie de 40 à 42,5% d’ici 2030.

La révision de ces directives est en cohérence avec le pacte vert décidé par l’Union européenne qui fixe l’objectif ambitieux de la fin des émissions nettes de gaz à effet de serre d’ici 2050 (avec un objectif intermédiaire de réduction des émissions d’au moins 55% d’ici à 2030 par rapport aux niveaux de 1990).

Dans le même temps, le Parlement s’inquiète de l’usage de l’huile de palme et de la biomasse fournie par le bois de forêts importé. Pourquoi ?

Depuis une quinzaine d’années, l’Union européenne mène des politiques de réduction des émissions de gaz à effet de serre qui obtient des résultats incontestables. Mais il ne faudrait pas que ces résultats positifs dissimulent une augmentation des émissions de gaz à effet de serre importées. D’ailleurs, la réglementation intègre la notion d’empreinte carbone qui, dans le calcul des émissions de carbone, englobe non seulement le carbone généré par l’activité en France mais également le carbone des produits importés.

Un exemple : la France établit une stratégie nationale bas carbone qui résulte d’un décret dans lequel l’Etat affiche les objectifs en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Cette stratégie doit veiller « à ne pas substituer à l’effort national d’atténuation une augmentation du contenu carbone des importations » (art. L. 222-1 B du code de l’environnement). L’empreinte carbone calculée par le service statistique du ministère en charge du Développement durable permet ainsi d’évaluer les effets des importations et représente la quantité de gaz à effet de serre (GES) émise pour satisfaire la consommation française, y compris les émissions liées aux importations.En 2007, l’empreinte carbone par Français était de l’ordre de 12 tonnes équivalent CO2 par an, contre 8 tonnes pour les GES émis sur le territoire métropolitain.
De 1990 à 2007, l’empreinte carbone par personne a augmenté de 5 %, alors que le niveau moyen par personne des émissions sur le territoire diminuait de 15 %. Au cours de cette période, les émissions associées aux importations se sont ainsi accrues de 64 % pour atteindre près de la moitié de l’empreinte carbone de la consommation en France en 2007.

Le combat de l’Union européenne contre l’utilisation de l’huile de palme, cultivée dans certains Etats qui abattent des forêts pour l’exploiter, repose sur la même inspiration. A cet égard, la législation française dispose déjà que « ne sont pas considérés comme des biocarburants les produits à base d’huile de palme » (art. 266 quindecies VB2 du code des douanes). Le législateur français n’accorde donc pas d’avantages fiscaux aux biocarburants fabriqués à partir d’huile de palme. Le Conseil constitutionnel a validé la différence de traitement qui résulte de cette exclusion, contestée au regard du principe d’égalité devant la loi et devant l’impôt (décision n°2021-946 QPC du 19 novembre 2021).

Dans le même ordre d’idée, l’Union européenne souhaite cibler les produits importés dont la culture se substitue à la forêt. Le Parlement européen a à cet égard voté à une écrasante majorité un projet de règlement qui vise à lutter contre cette déforestation importée. Le texte interdira l’importation de certains produits (bœuf, soja, huile de palme, cacao, café, bois) lorsque ces produits sont cultivés sur des terres auparavant boisées.

Comment l’Union européenne compte-t-elle imposer cette mutation relative aux énergies renouvelables aux Etats membres ?

Les objectifs fixés par l’Union européenne rejaillissent bien entendu sur la législation française. Le code de l’énergie fixe des objectifs de développement des énergies renouvelables (art. L. 100-4 du code de l’énergie). Ainsi actuellement et selon cet article, les énergies renouvelables doivent représenter 33% de la consommation finale brute d’énergie en 2030. La France doit se conformer aux objectifs fixés par les textes européens. Ces objectifs ne sont pas purement incantatoires comme l’ont démontré les contentieux climatiques dans lesquels le Conseil d’Etat a exigé de l’Etat qu’il prenne des mesures pour atteindre les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre affirmés dans la loi (voir Article sur notre Blog). Les objectifs de la France en matière de développement des énergies renouvelables sont ainsi inscrits dans la programmation pluriannuelle de l’énergie (art. L. 141-1 du code de l’énergie), celle actuellement en vigueur résulte d’un décret du 21 avril 2020. A cet égard, l’implantation de nouvelles éoliennes qui rencontre de plus en plus d’opposition est, par exemple, inscrite dans les objectifs de développement de l’éolien prévus dans cette programmation et les aides de l’Etat au développement des énergies renouvelables, nécessaires tant qu’elles ne sont pas rentables par le simple jeu de l’offre et de la demande, sont encadrées par les textes adoptés par l’Union européenne qui privilégie le complément de rémunération plutôt que le prix garanti pour ne pas trop s’émanciper des règles relatives aux aides aux entreprises.

Bref, quand ils seront définitivement adoptés, les textes actuellement en discussion et notamment la directive énergies renouvelables auront des répercussions sur la vie quotidienne des Français et sur l’activité économique.

[1] Auteur de Politique de transition écologique : Démocratie, droit et financement

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