Par Emmanuel Derieux, Professeur de droit des médias à l’Université Panthéon-Assas (Paris 2). Auteur notamment de Droit des médias. Droit français, européen et international, Lextenso-LGDJ, 8e éd., 2018, 991 p.

Entre la liberté d’expression, la liberté de création artistique, la liberté du commerce dont, grâce au support de l’affiche notamment, la publicité est une composante, d’une part, et la protection de l’environnement, du cadre de vie et de l’esthétique des lieux, d’autre part, un délicat équilibre, auquel le droit est appelé à contribuer, doit être trouvé. Les actions engagées, par la ville de Paris, contre l’affichage sauvage en constituent une illustration.

Quels sont les principaux éléments de réglementation de l’affichage et que qualifie-t-on d’affichage sauvage ?

À n’en considérer que le support, sans tenir compte, en dépit de la confusion qui résulte de l’emploi du terme de « publicité », de la nature ou du contenu des messages qui sont ainsi véhiculés, la réglementation de l’affichage relève aujourd’hui essentiellement du code de l’environnement. On en comprend ainsi la principale préoccupation. Quelques dispositions subsistent dans la loi du 29 juillet 1881. D’autres figurent dans le code électoral.

Le code de l’environnement consacre un titre à la « Protection du cadre de vie ». Un de ses chapitres concerne la « publicité ».

Il y est posé pour principe que « chacun a le droit de s’exprimer et de diffuser informations et idées, quelle qu’en soit la nature, par le moyen de la publicité […] conformément aux lois en vigueur et sous réserve des dispositions du présent chapitre ». Il est indiqué que, « afin d’assurer la protection du cadre de vie », celui-ci « fixe les règles applicables à la publicité », définie comme « toute inscription, forme ou image, destinée à informer le public ou à attirer son attention ».

La réglementation détermine, d’une part, des lieux ou zones géographiques et, d’autre part, des emplacements et dispositifs dans lesquels ou sur lesquels l’affichage est autorisé ou, au contraire, interdit.

L’affichage est interdit « dans les sites classés », ainsi que dans les « parcs nationaux et les réserves naturelles ». En dehors des agglomérations, la « publicité est interdite », sauf dans l’emprise des aéroports, des gares et de certains équipements sportifs. Elle « peut également être autorisée […] à proximité immédiate des établissements de centres commerciaux […] dans le respect de la qualité de vie et du paysage ».

En principe, autorisé « à l’intérieur des agglomérations », l’affichage y est cependant interdit « aux abords des monuments historiques […] dans le périmètre des sites patrimoniaux remarquables […] dans les sites inscrits […] à moins de 100 mètres et dans le champ de visibilité des immeubles » présentant un caractère esthétique, historique ou pittoresque. Par dérogation à cette interdiction, « le maire peut autoriser l’affichage d’opinion et la publicité relative aux activités des associations […] sur les palissades de chantier ».

En agglomération, l’affichage doit cependant satisfaire à la réglementation « en matière d’emplacements, de densité, de surface, de hauteur, d’entretien ». Sont précisées « les conditions d’utilisation comme supports publicitaires du mobilier urbain ».

Dans chaque commune, doivent être déterminés « un ou plusieurs emplacements destinés à l’affichage d’opinion ainsi qu’à la publicité relative aux activités des associations ».

S’agissant des emplacements, l’affichage est interdit « sur les immeubles classés ou inscrits au titre des monuments historiques » et « sur les arbres ». De plus, « le maire ou, à défaut, le préfet » peut interdire « toute publicité sur des immeubles présentant un caractère esthétique, historique ou pittoresque ».

Le code de l’environnement pose encore que « nul ne peut apposer de publicité […] sur un immeuble sans l’autorisation écrite du propriétaire ». C’est la référence à ce code qu’il conviendrait aujourd’hui de mentionner, au lieu de celle « défense d’afficher, loi du 29 juillet 1881 » que l’on trouve parfois encore.

Ladite loi du 29 juillet 1881 consacre ses articles 15 et 17 à l’affichage. Il y est posé que, « dans chaque commune, le maire désignera […] les lieux exclusivement destinés à recevoir les affiches des lois et autres actes de l’autorité publique ».

Le code électoral dispose que, « pendant la durée de la période électorale, dans chaque commune, des emplacements spéciaux sont réservés par l’autorité municipale pour l’apposition des affiches électorales », et que, « pendant les six mois précédant le premier jour du mois d’une élection […] tout affichage relatif à l’élection […] est interdit en dehors de cet emplacement ou sur l’emplacement réservé aux autres candidats ».

Tout affichage non conforme à l’ensemble de ces dispositions est constitutif d’un affichage sauvage ou illégal passible de mesures ou de sanctions ordonnées par l’autorité administrative ou judiciaire.

Quels pouvoirs l’autorité administrative détient-elle pour lutter contre l’affichage sauvage ?

Le code de l’environnement pose pour principe que « les compétences en matière de police de la publicité sont exercées par le préfet ». Celui-ci peut punir d’« une amende d’un montant de 1.500 € la personne qui a apposé ou fait apposer » un affichage non conforme à la réglementation.

Il est également posé que, « dès la constatation d’une publicité […] irrégulière […] l’autorité compétente en matière de police prend un arrêté ordonnant, dans les cinq jours » et sous astreinte, « soit la suppression, soit la mise en conformité […] des publicités ». Elle peut même « faire procéder d’office à la suppression immédiate de cette publicité ». Les « frais de l’exécution d’office sont supportés par la personne qui a apposé ou fait apposer cette publicité ».  Si « cette personne n’est pas connue, les frais sont mis à la charge de celle pour laquelle la publicité a été réalisée ». Il est encore ajouté que l’autorité de police « est tenue de faire usage » de ses pouvoirs si « le propriétaire de l’immeuble sur lequel ont été apposées, sans son accord, les publicités » litigieuses en fait la demande.

C’est encore dans le code de l’environnement qu’il est prévu que, « dans le cas d’une publicité de caractère électoral, l’autorité administrative compétente met en demeure celui pour le compte duquel cette publicité a été réalisée de la supprimer ». Tandis que le code électoral dispose que, « en cas d’affichage électoral apposé en dehors des emplacements prévus […] le maire ou, à défaut, le préfet peut, après une mise en demeure du ou des candidats […] procéder à la dépose d’office des affiches », et que, « si le maire refuse ou néglige de se conformer aux prescriptions […] le préfet doit en assurer immédiatement l’application ».

De quels pouvoirs l’autorité judiciaire détient-elle pour lutter contre l’affichage sauvage ?

Aux mesures administratives, le code de l’environnement ajoute des sanctions pénales.

Y est puni « d’une amende de 7.500 € le fait d’apposer, de faire apposer ou de maintenir après mise en demeure une publicité […] dans des lieux, sur des emplacements ou selon des procédés interdits », ainsi que « de laisser subsister une publicité […] au-delà des délais de mise en conformité », ou « de s’opposer à l’exécution des travaux d’office ». Cette « amende est appliquée autant de fois qu’il y a des publicités […] en infraction ».

Il est ajouté que, « en cas de condamnation, le tribunal ordonne soit la suppression, dans un délai qui ne peut excéder un mois et sous astreinte de 15 € à 150 € par jour de retard, des publicités […] qui constituent l’infraction, soit leur mise en conformité ».

La loi du 29 juillet 1881 sanctionne de « l’amende prévue pour les contraventions de la 3e classe » (68 €) ceux « qui auront enlevé, déchiré, recouvert ou altéré […] les affiches apposées par ordre de l’administration », ainsi que « des affiches électorales […] apposées ailleurs que sur les propriétés de ceux qui auront commis cette lacération ou altération ».

Le propriétaire de l’espace ou du support sur lequel est, sans son autorisation, réalisé un affichage peut en obtenir, en justice, la suppression et la réparation du dommage subi.

La multiplication et la dispersion des textes réglementant l’affichage, le peu d’usage des pouvoirs d’intervention des différentes autorités administratives et judiciaires, et la modestie des peines encourues ne semblent pas, jusqu’ici, être parfaitement parvenus à en assurer le respect. Des préoccupations environnementales aujourd’hui accrues y réussiront-elles davantage ?

[vcex_button url= »https://www.leclubdesjuristes.com/newsletter/ » title= »Abonnement à la newsletter » style= »flat » align= »center » color= »black » size= »medium » target= » rel= »none »]En savoir plus…[/vcex_button]