Par Andrew Skipper, Avocat associé au sein du cabinet Hogan Lovells à Londres, en charge du groupe Afrique du cabinet, et Thomas Kendra, Avocat associé au sein du cabinet Hogan Lovells à Paris, codirigeant le groupe Paris-Afrique

L’Union africaine a annoncé la semaine dernière le report d’au moins six mois de la mise en œuvre de l’Accord sur la zone libre-échange du continent africain (ZLEC) dû au Covid-19. Entrée dans sa phase opérationnelle le 7 juillet 2019, la ZLEC subissait déjà des retards dans les négociations de la phase deux, illustrant les difficultés des membres à s’accorder sur les détails de cet ambitieux projet. Le Covid 19 est dès lors un contretemps supplémentaire à résoudre pour l’Union africaine. La mise en œuvre de la ZLEC pourrait-elle néanmoins avancer dans le climat actuel ?

Malgré l’incroyable ambition derrière la ZLEC, visant à réunir 1,2 milliard de personnes dans un espace économique de 3.5 milliards de dollars, les accords ayant jeté les bases de ce projet ont été conclus à un rythme remarquable. En effet, le 30 mai 2019, la ZLEC est entrée en vigueur, seulement trois ans après le début des négociations. De ce fait, il n’est peut-être pas surprenant qu’il y ait eu une certaine résistance à l’annonce de Wamkele Mene, secrétaire général de la ZLEC, selon laquelle la mise en œuvre de la ZLEC serait reportée au 1er janvier 2021, au moins, en raison du Covid-19. Vingt-cinq entreprises et organisations influentes sur le continent, représentant divers secteurs économiques, allant de l’aérien à la technologie, en passant par les secteurs pharmaceutique et industriel (dont l’Association des compagnies aériennes africaines, Orascom, Pharco, Ecobank…), ont en effet publié une lettre ouverte exhortant l’Union à faire avancer la mise en œuvre de la ZLEC pendant cette période difficile. Ils ont en outre fait valoir que la ZLEC était à bien des égards un remède à la situation du Covid-19, en permettant le libre-échange de produits essentiels tels que les produits pharmaceutiques, et que ce serait une erreur de laisser passer ces opportunités.

L’un des facteurs à l’origine de ces réactions pourrait être l’impact sanitaire relativement limité, jusqu’à présent, du Covid-19 en Afrique. En effet, cet impact semble ne pas avoir été, jusqu’à présent, aussi dévastateur que ce que certains craignaient sur le continent africain, (moins de 70.000 cas de Covid-19 selon le Centre africain de contrôle et de prévention des maladies sur les 4.17 millions de cas confirmés, recensés par l’OMS) beaucoup attribuant le mérite aux mesures rapides prises par les Etats africains pour contenir le Covid-19, à la jeunesse de la population, l’impact de la chaleur et la culture de lutte contre les épidémies. C’est dans ce contexte que les représentants du monde des affaires ont récemment fait valoir qu’il serait dommage de gâcher l’occasion d’une conclusion rapide des négociations.

Alors que le Covid-19 ravive des problèmes liés à la mise en œuvre de l’accord et à la conclusion des négociations, des signes avant-coureurs avaient déjà été observés, indiquant qu’un retard de l’application du régime de la ZLEC pourrait être inévitable. Les négociations relatives au protocole d’investissement, par exemple, ont été reportées de janvier 2020 à janvier 2021. Cela n’est peut-être pas si surprenant – le protocole d’investissement pose des questions difficiles auxquelles les États africains ont répondu de manières différentes ces dernières années. En termes de protection des investissements, par exemple, si certains États ont signé une multitude de traités bilatéraux d’investissement (TBI) ces dernières années, tel le Congo, d’autres ont préféré une voie différente (dénonciation de l’Afrique du Sud de plusieurs TBIs). Trouver un consensus sur ces questions est par conséquent indéniablement un processus difficile.

Il sera donc intéressant de voir comment l’Union africaine sera en mesure de trouver un consensus face aux défis actuels. Les nombreuses voix qui se sont élevées contre ce report démontrent, à minima, que la volonté politique et économique derrière ce projet reste forte.

 

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