Le Congrès des maires qui a eu lieu le mardi 19 novembre. À quatre mois des municipales, plusieurs milliers d’élus ont exprimé leur difficultés et leurs questions concernant notamment la décentralisation et la taxe d’habitation.

Décryptage par Bernard Poujade, Professeur de droit à l’université de Paris Descartes, Directeur du Bulletin juridique des collectivités locales.

« Le projet de loi relatif à la vie locale vise à renforcer le rôle des communes  et à doter les maires de nouveaux pouvoirs de police »

 Quelles sont les compétences des maires ?

Les compétences sont définies par le Code général des collectivités territoriales. En premier lieu le maire dispose de compétences propres en tant qu’organe exécutif de la commune qu’il exerce à titre exclusif ; ainsi il est le seul chargé de l’administration communale. Il dirige les services municipaux et est compétent, pour prendre les mesures relatives à l’organisation interne des services de la commune et à la gestion de leurs agents.

Le maire est aussi chargé, sous le contrôle administratif du représentant de l’État dans le département, de la police municipale, de la police rurale et de l’exécution des actes de l’État qui y sont relatifs. Le maire est donc seul en charge des pouvoirs de police administrative et le conseil municipal ne peut intervenir en la matière.

Le maire exerce également des pouvoirs de police générale aux fins d’assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publics (article  L 2212-2 du CGCT). Il exerce aussi des pouvoirs de police spéciale (en concurrence souvent avec le préfet) dans des domaines très variés : la police des funérailles et des cimetières, la police des baignades etc. Il délivre certaines autorisations (ainsi les permis de construire, dans les communes qui se sont dotées d’un plan local d’urbanisme ou d’un document d’urbanisme en tenant lieu).

Par délégation du conseil municipal, le maire peut être chargé, en tout ou partie, et pour la durée de son mandat d’exercer certaines compétences limitativement énumérées à l’article L. 2122-22 du CGCT (par exemple de prendre toute décision concernant la préparation, la passation, l’exécution et le règlement des marchés ou d’exercer, au nom de la commune, le droit de préemption).

Sous le contrôle du conseil municipal le maire est chargé, d’une manière générale, d’exécuter les déci­sions du conseil municipal et, en particulier de préparer et proposer le budget et ordonnancer les dépenses, de représenter la commune en justice.

Il exerce aussi des fonctions au nom de l’État (état civil par exemple).

 Quelles sont les intentions du Gouvernement en matière de décentralisation ?

Plusieurs projets sont en discussion ou préparation. Le projet de loi relatif à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique examiné par l’Assemblée nationale vise à  renforcer le rôle des communes et des maires dans les intercommunalités, à doter les maires de nouveaux pouvoirs de police en matière d’infractions simples et à reconnaître aux élus un meilleur cadre pour l’exercice de leur mandat. Il institue ainsi un « pacte de gouvernance » pour régler les relations entre les EPCI (établissement public de coopération intercommunale ) et les maires des communes qui les composent, qui doit permettre d’instituer un conseil des maires ou prévoir des conférences territoriales des maires ou déterminer les conditions dans lesquelles les maires peuvent déterminer certaines dépenses courantes.

Il veut aussi « réconcilier la vie professionnelle et personnelle » des élus locaux en étendant le bénéfice du droit au congé de campagne électorale de dix jours aux candidats salariés à l’élection municipale, y compris dans les communes de moins de 1 000 habitants. L’indemnité des élus des communes de moins de 3 500 habitants sera homogénéisée, alors qu’elle relève actuellement de strates successives. Quant à l’indemnité de fonction des maires, elle sera dorénavant librement décidée par le conseil municipal. Le projet de loi oblige toutes les communes à souscrire un contrat d’assurance assurant la protection fonctionnelle des maires. La formation des élus locaux sera aussi améliorée. Jacqueline Gourault, ministre de la Cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, a confirmé que le Gouvernement allait présenter en 2020 un projet de loi relatif à la décentralisation, la différenciation et la déconcentration réglementant notamment le droit à la différenciation territoriale qui est aussi inscrit dans le nouveau projet de révision constitutionnelle pour un renouveau de la vie démocratique déposé à l’Assemblée nationale en août 2019. Avec ce texte, certaines collectivités pourront exercer des compétences « en nombre limité » dont ne disposent pas l’ensemble des collectivités de la même catégorie. Le projet de révision ouvre aussi la possibilité de déroger aux dispositions législatives ou réglementaires qui régissent l’exercice de leurs compétences, lorsque la loi ou le règlement l’ont prévu.

Le gouvernement assure que la taxe d’habitation, qui a été supprimée, sera compensée. Comment ?

Le sujet est délicat et le président de l’Association des maires de France a ironiquement souligné au congrès des maires à l’adresse du Président de la République que « comme beaucoup de présidents avant vous, vous avez supprimé un impôt qui ne vous appartient pas ». La suppression n’est pas si évidente que cela car il y a  des contraintes constitutionnelles fixées à l’article 72-2 de la Constitution « les recettes fiscales et les autres ressources propres des collectivités territoriales représentent, pour chaque catégorie de collectivités, une part déterminante de l’ensemble de leurs ressources ». La loi organique n° 2004-758 du 29 juillet 2004 relative à l’autonomie financière des collectivités territoriales  prévoit que : « les ressources propres des collectivités ter­ritoriales sont constituées du produit des impositions de toutes natures dont la loi les autorise à fixer l’assiette, le taux ou le tarif, ou dont elle détermine, par collectivité, le taux ou une part locale d’assiette, des rede­vances pour services rendus, des produits du domaine, des participations d’urbanisme, des produits financiers et des dons et legs ». Cette définition exclut des ressources propres, les produits d’emprunt, les dotations et subventions mais inclut les impositions dont la loi « détermine, par col­lectivité, le taux ou une part locale d’assiette » donc des recettes fiscales de l’État partagées avec les collectivités (ainsi des fractions d’impôts nationaux TICPE – taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques- et TSCA- La taxe spéciale sur les conventions d’assurance). On ne sait quelle ressource fiscale stable viendra compenser cette perte pour les communes.

Pour aller plus loin :

Code général des collectivités territoriales
Projet de loi : Engagement dans la vie locale et action publique

Par Bernard Poujade.