Par Alain Lambert – président du Conseil national d’évaluation des normes ; Pierre de Montalivet – professeur à l’Université Paris-Est Créteil – Paris XII et Hervé Moysan – docteur en droit, directeur de la Rédaction législation de LexisNexis France
Le Conseil national d’évaluation des normes (CNEN), le centre de recherche Marchés, Institutions, Libertés (MIL) de l’Université Paris-Est Créteil et LexisNexis ont adressé aux candidats à la présidence de la République un questionnaire sur la simplification normative et la qualité du droit afin de recueillir leurs projets et propositions sur ce thème. (Retrouvez les réponses au questionnaire et leur analyse en bas de page).

Questionner directement les candidats à la présidence de la République à propos de la qualité du droit est une démarche inhabituelle : comment est née cette initiative ?

Cette démarche est effectivement originale, dans la mesure où, pour la première fois, des candidats à l’élection présidentielle sont interrogés spécifiquement sur le thème de la qualité du droit et de sa simplification.

Elle est le fruit d’une initiative collective, qui rassemble cinq partenaires : le Conseil national d’évaluation des normes, l’Université Paris-Est Créteil et LexisNexis, mais aussi l’Observatoire de légistique et le Club des juristes. Elle s’inscrit dans la continuité de nos travaux qui visent à porter la qualité et la simplification du droit dans le débat public.

Étonnement, ces enjeux sont absents du débat, alors que l’instabilité, l’inflation et la dégradation normatives constituent des phénomènes solidement ancrés dans notre système juridique, au détriment des citoyens qui ne comprennent plus sa finalité. Cette tendance est dangereuse : elle effrite chaque jour un peu plus notre société démocratique.

Face à ces constats, en 2020, le e-colloque « Changer de culture normative. Améliorer la qualité du droit par la généralisation des bonnes pratiques » a réuni des hauts fonctionnaires, des juristes universitaires et des personnalités politiques pour dégager des pistes visant à l’amélioration de notre culture normative, en prenant résolument appui sur les bonnes pratiques déjà identifiées (Voir les actes, publiés à La Semaine juridique, Édition générale : lien). Ce colloque a ensuite été suivi de 46 propositions pour améliorer concrètement la qualité du droit, qui ont été transmises à différentes personnalités politiques et institutionnelles (également publiées à La Semaine juridique, Édition générale : lien ). Ce colloque et les propositions qui en sont issues concluaient à la nécessité d’instituer une véritable politique publique de qualité du droit, portée par les plus hautes instances de l’État et soutenue par l’opinion publique. À l’approche de l’élection présidentielle, il nous a donc semblé naturel d’interroger les différents candidats sur ce thème.

Comment a été accueillie l’initiative ?

Sept candidats ont répondu à notre appel : Gaspard Koenig (qui n’a finalement pas obtenu le nombre de parrainages requis), Marine Le Pen, Emmanuel Macron, Jean-Luc Mélenchon, Valérie Pécresse, Fabien Roussel et Éric Zemmour. Nous tenons à les remercier d’avoir accepté de se prêter à cet exercice difficile compte tenu de sa technicité.

Si nous regrettons l’absence de réponse de Yannick Jadot et d’Anne Hidalgo, candidats représentant pourtant des courants politiques majeurs, le plus large champ politique est couvert et les cinq principaux candidats – ceux estimés à plus de 10% d’intentions de vote dans les sondages – ont répondu.

Les réponses sont publiées à La Semaine juridique, Édition générale. Elles sont également disponibles sur Tendance Droit, le site d’information en libre accès de LexisNexis : lien

Elles sont complétées d’une analyse approfondie de deux spécialistes, un praticien : Didier Martin, avocat associé au cabinet Bredin Prat et membre du Club des juristes, et un universitaire : Cédric Groulier, maître de conférences en droit public à Sciences Po Toulouse, membre du Laboratoire des Sciences Sociales du Politique (LaSSP) et de l’Observatoire de légistique. Cette analyse est en ligne sur Tendance Droit : lien

Elles intéresseront les plus de 800 000 professionnels du droit, ainsi que les agents publics, les entreprises, les associations, les élus locaux et au-delà, l’ensemble des citoyens.

Au regard des réponses adressées par les différents candidats, peut-on être optimiste pour l’avenir ?

D’abord, notons qu’un consensus se dégage sur le fait que la qualité du droit constitue une priorité. Tous les principaux candidats, quel que soit leur positionnement, partagent cet objectif politique commun d’un droit de qualité, plus accessible et intelligible. Cela n’est, certes, pas très surprenant, mais mérite tout de même d’être remarqué.

Si l’objectif fait consensus, les solutions apportées pour l’atteindre divergent en revanche nettement. Rien que de très logique : ces divergences sont le reflet des appartenances politiques des différents candidats. Elles sont aussi la marque d’autres fractures, telle que celle existant entre les candidats ou les partis qui les soutiennent qui ont une expérience gouvernementale et ceux qui n’en ont pas eue (ou pas encore).

Il ressort encore que les différentes mesures vont incontestablement dans le bon sens. Nous regrettons cependant que les candidats restent assez évasifs à ce stade sur les modalités techniques découlant de leurs propositions. Toujours est-il qu’elles devront être suivies d’une volonté politique forte, condition sine qua non pour que ces différentes propositions puissent être effectives. À cette condition, il est possible de rester (relativement) optimiste pour l’avenir.

Et bien sûr, il importera d’être extrêmement vigilant à ce que cet enjeu ne reste pas lettre morte au lendemain de l’élection présidentielle.