Le 12 décembre dernier s’est tenu le « One Planet Summit », deux ans après l’Accord de Paris. Ce sommet entendait accélérer la lutte contre le réchauffement climatique en rassemblant les acteurs de la finance mondiale.

Décryptage avec Marion Lemoine-Schonne, chargée de recherches au CNRS.

« Sur le plan juridique, la valeur des documents stratégiques adoptés par ces acteurs est pour l’heure modeste »

En quoi consistait le « One Planet Summit » ?

Deux ans jour pour jour après l’adoption de l’Accord de Paris sur le climat par les 196 États Parties à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC), le Président français Emmanuel Macron, en partenariat avec l’ONU et la Banque mondiale, a réuni près de 80 chefs d’États et de gouvernement, les représentants de grandes entreprises, d’organisations internationales, de quelques ONG et du monde de la recherche.

La journée était consacrée à la « Finance carbone » et réunissait 3500 participants. Les acteurs sont tous venus réaffirmer leur engagement, détailler les mesures prises dans tous les secteurs de l’économie, et échanger sur les solutions permettant d’orienter les investissements vers un monde bas carbone.

L’ambition du One Planet Summit était de catalyser l’action en faveur du climat et de faire connaître les stratégies des acteurs privés, attestant de l’importance de ces derniers dans la « diplomatie climatique ». Toutes se disent prêtes à « revoir le modèle » puisqu’ « il n’y a pas d’alternative » à la transition écologique. Ce nouveau rendez-vous était d’abord une vitrine permettant aux entreprises d’affirmer, notamment aux yeux du grand public, leur identité climatique, c’est-à-dire leur vision, l’objectif poursuivi et les actions menées pour contribuer à l’effort commun en faveur du climat. Aucune négociation n’était au programme, la rencontre consistant en une mobilisation inter-acteurs autour de l’urgence climatique.

Cet espace de dialogue participe également d’un décloisonnement d’échelles, en mêlant acteurs territoriaux et globaux, publics et privés, réunis au sein de multiples coalitions et réseaux d’acteurs. L’objectif est de maintenir un rythme soutenu de réunions d’acteurs pour encourager les choix sociétaux durables pour promouvoir les investissements sobres en carbone. Derrière la question climatique, l’interrelation avec les autres questions environnementales se dessine, par exemple autour de la question de l’adaptation et de la résilience des territoires insulaires aux changements climatiques.

Quels engagements ont été pris à cette occasion ?

La journée s’est soldée par une longue série d’engagements, gages du succès diplomatique de cette rencontre. La Banque mondiale s’est engagée à arrêter de financer l’exploration et l’exploitation de pétrole et de gaz par le biais des projets financés à compter de 2019, l’Alliance mondiale des villes et des régions (le réseau C40, le Global Covenant of Mayors, etc.) s’est engagée pour instaurer des marchés publics bas carbone (infrastructures durables, mobilité verte, logements zéro émission, efficacité énergétique, etc.). L’Alliance Solaire internationale s’est donné pour objectif de mobiliser 1000 milliards de dollars d’ici à 2030, auprès d’investisseurs publics et privés. Le Mexique a annoncé une collaboration régionale de mise en place d’un prix du carbone dans les Amériques. Le lancement de ce marché s’inscrit dans une dynamique plus large de renforcement des instruments de tarification du carbone et d’articulation des marchés carbone régionaux, sans que la valeur sociale du carbone ne soit directement discutée lors de cette journée.

Les États présents ont confirmé la promesse faite dans le cadre du Fonds vert pour le climat (100 milliards de dollars par an), la pierre d’achoppement du processus onusien sur la question du financement, sans toutefois que ce sommet ne garantisse leur réalisation. Cependant, des levées de fonds importantes ont été annoncées. Intervenant après António Guterres, Secrétaire général des Nations Unies, John Kerry, ex-secrétaire d’Etat de Barack Obama , Jerry Brown, le gouverneur de Californie, d’autres figures emblématiques et témoignages d’enfants, Bill Gates a ainsi annoncé 650 millions de dollars pour la recherche et la promotion des efforts d’adaptation en milieu agricole, tandis que l’Islande a déclaré viser la neutralité carbone en 2040. A défaut d’être vérifiables et contrôlables, ces mesures attestent, à tout le moins, d’une nette ouverture des consciences à l’urgence climatique grâce à l’Accord de Paris sur le climat.

Comment assurer un contrôle sur ces engagements à l’avenir ?

En matière de contrôle, les critères de comparabilité et la transparence des engagements ne cessent de poser question. Sur le plan juridique, la valeur des documents stratégiques adoptés par ces acteurs est pour l’heure modeste, mais pourrait donner lieu à des processus de reddition de compte et engager in fine leur responsabilité, notamment dans le cadre de leur devoir de vigilance et de la RSE. La logique de réseaux, qui contribue largement à dynamiser l’action, accentue dans le même temps le risque d’une dilution des mécanismes d’attribution de la responsabilité.

En fin de journée, rendez-vous est pris de réunir tous ces acteurs chaque année lors d’un prochain sommet One Planet pour faire le bilan des engagements pris. La périodicité de ces conférences, couplées au mécanisme de bilan quinquennal des « contributions nationales » prises par les États dans le cadre de l’Accord de Paris, fait croître le sentiment de contrainte politique et diplomatique chez les acteurs publics et privés. La crainte du phénomène de name and shame et cette dynamique temporelle seront-elles à même de mobiliser rapidement et efficacement les acteurs pour sauver le climat ?

Par Marion Lemoine-Schonne