« Plusieurs solutions existent, mais le plus difficile est de franchir les murs des femmes victimes »

Alors que se termine le premier mois de confinement la situation dramatique des femmes enfermées avec leurs agresseurs inquiète et mobilise. Devant la recrudescence du nombre de signalements de violences conjugales, le ministère de la Justice a mis en place une série de mesures (V. JCP G 2020, prat. 439, 3 questions à I. Rome). Anne-Cécile Mailfert, présidente de la Fondation des femmes (V. déjà JCP G 2020, prat. 284, 3 questions à V. Borgia) fait état des réponses apportées par les associations de terrain et en appelle aux dons indispensables pour financer ces actions bénévoles.

Face à la hausse significative et redoutée des signalements de violences au sein du couple votre Fondation a, en association avec la Fédération nationale solidarité femmes, lancé le dispositif #ToutesSolidaires. De quoi s’agit-il ?

Le dispositif d’urgence #ToutesSolidaires est l’appel à la générosité publique que nous avons lancé au début du confinement. Il fait écho à la hausse des violences conjugales, de + 36 % à Paris et de + 32 % en zone gendarmerie et aux difficultés rencontrées par les associations pour adapter leur travail et leur accompagnement aux conditions du télétravail et du confinement.

Grâce aux dons reçus, le dispositif permet d’héberger temporairement des femmes victimes de violences et leurs enfants, de leur apporter des biens de première nécessité et de quoi se meubler selon leurs besoins (par exemple des lits bébés, ordinateurs, téléphone) et de se nourrir. Nous faisons aussi en sorte que les associations avec lesquelles on travaille puissent assurer la continuité de leurs missions auprès des femmes victimes en leur fournissant ordinateurs et téléphones mais aussi qu’elles puissent répondre au surplus d’activité créée par la situation en prenant en charge la hausse de leurs frais de fonctionnement.

Nous agissons main dans la main avec les réseaux d’associations de lutte contre les violences faites aux femmes comme la Fédération nationale solidarité femmes (FNSF) ou les Centres d’informations des droits des femmes et des familles (CIDFF). À circonstances exceptionnelles, mobilisation exceptionnelle ; nous avons pu réunir près d’un million d’euros à ce stade.

Les signalements sont rendus difficiles du fait de la promiscuité engendrée par le confinement. Quelles solutions pour permettre aux victimes de signaler leur situation sans alerter l’auteur des faits ?

Des solutions numériques existent comme le numéro 114 qui permet d’alerter par SMS les forces de l’ordre si une intervention est nécessaire. L’application App-elles permet aussi de contacter ses proches en toute discrétion.

Il existe également le portail arretonslesviolences.gouv.fr qui est un tchat assuré par des policiers et gendarmes pour répondre aux demandes des femmes victimes de violences. Pour l’écoute et l’accompagnement – s’il n’est pas possible pour la victime de contacter le 3919, le numéro national d’écoute tenu par la Fédération nationale solidarité femmes – l’association En Avant Toute(s) tient un tchat anonyme et sécurisé sur son site commentonsaime.fr, ce sont des professionnelles qui répondent aux questions des femmes qui les contactent et les accompagnent dans leurs démarches.
La situation de confinement et de promiscuité vient compliquer encore plus et rendre encore plus intenable la vie des femmes victimes de violences qui sont souvent par ailleurs éloignées et isolées de leurs proches par leurs agresseurs. Plusieurs solutions existent, mais le plus difficile est de franchir les murs des femmes victimes. C’est pourquoi il est vital de multiplier les campagnes d’informations, mais aussi pour chacun et chacune d’appeler régulièrement et de faire connaître ces numéros et dispositifs à ses proches. Le 3919 répond aussi aux questions et interrogations des témoins.

Que pensez-vous des mesures mises en place par le Gouvernement pour lutter contre les violences conjugales pendant la période de confinement ?

Toutes les mesures prises pour le repérage et le signalement des femmes victimes de violences (114, points de signalement dans les pharmacies et centres commerciaux) et pour leur protection (maintien des audiences pour les ordonnances de protection) sont à encourager. Toutefois il faut que les associations aient les moyens de répondre à la hausse des signalements et des femmes victimes – alors qu’elles étaient déjà en saturation après l’augmentation des demandes depuis le mouvement #MeToo. Les associations qui ont chacune des besoins spécifiques selon leurs publics et leurs spécialités (accompagnement des femmes victimes de violences conjugales, violences sexuelles, mutilations génitales, accompagnement des femmes en situation de grande précarité) auront besoin de moyens pour continuer leur travail dans les conditions exceptionnelles actuelles, afin qu’aucune femme ne soit sans solution. C’est pour cette raison que la Fondation des femmes a lancé une collecte d’urgence sur son site fondationdesfemmes.org. Tous les fonds sont reversés aux associations.

 

Article initialement publié dans La semaine juridique – Édition générale – n°15 – 13 avril 2020.

 

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