Le 6 mars dernier, lors d’un discours à Agen, le Président de la République, Emmanuel Macron a annoncé une réforme de la politique pénale  qui comprendrait la suppression de « l’automaticité » des peines inférieures à un an et la fin des aménagements de peine pour celles supérieures à un an.

Décryptage par Virginie Peltier, Professeur à l’Université de Bordeaux et Directrice du Master 2 Criminologie à l’Institut de sciences criminelles et de la justice (EA 4633).

« Les peines ne sont plus comprises ni par le condamné ni par la victime et donc par le citoyen »

Quelles sont les mesures les plus notables ?

En premier lieu, partant du constat que les peines ne sont plus comprises ni par le condamné ni par la victime, et donc a fortiori par le citoyen, il est préconisé un certain nombre de mesures destinées à restaurer l’effectivité des peines et donc le crédit de la justice.

Transformer le système des aménagements de peine : en distinguant selon le quantum de la peine prononcée.

D’abord, les peines inférieures à 1 mois, trop désocialisantes, seront désormais interdites : l’effet de seuil redouté sera alors de la seule responsabilité du juge, qui, s’il prononce une peine légèrement supérieure, montrera son attachement à la peine d’emprisonnement.

Ensuite, entre 1 et 6 mois, l’emprisonnement devra rester exceptionnel, sur décision de la juridiction de jugement dûment motivée, avec, en fin d’exécution, un suivi socio-éducatif. Le principe sera l’exécution hors les murs (surveillance électronique, semi-liberté ou placement à l’extérieur).

De plus, entre 6 mois et  1 an, les aménagements ne seront plus « automatiques » : le juge prononcera une peine et l’aménagera, le renvoi à un juge de l’application des peines devant rester exceptionnel. Mais, en pratique, soit le juge ajournera le prononcé de sa peine (et de son aménagement) pour disposer d’informations sur le prévenu et individualiser la sanction, allant à l’encontre de l’objectif de réactivité poursuivi, soit prononcera la peine sans désemparer, se trouvant donc dans l’impossibilité de décider d’un aménagement dans de bonnes conditions. A cet égard, la constitution du dossier de personnalité, sa pertinence comme sa disponibilité seront des éléments déterminants.

Enfin, selon le président de la République, au-delà d’1 an, « le juge de l’application des peines ne sera plus saisi car il n’y aura plus d’aménagement », – de nature à introduire une confusion dans l’esprit des citoyens – car il ne peut évidemment être question de supprimer tout aménagement (!), mais plutôt de comprendre qu’entre 1 et 2 ans, il n’y aura plus les aménagements rendus jusqu’à présent possibles par la loi pénitentiaire.

Créer et rénover certaines peines pour éviter le recours à l’incarcération : création de nouvelles peines – détention à domicile sous surveillance électronique, peine de probation – et développement de certaines peines existantes : le TIG, la peine de stage, ce qui supposera une augmentation substantielle de moyens (par exemple, la création en nombre de postes de TIG).

– Forfaitiser les réponses à certains délits : en effet, aux délits composant l’écrasante majorité des courtes peines d’emprisonnement (délits routiers, consommation de stupéfiants), répondra un système de forfait pour désengorger les tribunaux.

En second lieu, la réforme pénale souhaite rétablir la dignité de la personne.

Dignité des détenus : la prison, seulement synonyme d’enfermement, ne doit entraîner ni promiscuité, ni conditions dégradantes (voir, par exemple, CEDH 25 avr. 2013, Canali c. France, n° 40119/09). Pour cela, l’exécutif propose la construction de 7000 places de prison supplémentaires, l’accès des détenus à davantage d’activités, la restauration de leurs droits (droit de vote, notamment) et l’accès à un droit du travail approprié à l’incarcération, car on ne peut demander à des individus de faire des efforts pour se réinsérer si on leur dénie des prérogatives élémentaires en détention (rapp. Cons. const., 14 juin 2013, n° 2013-320/321 QPC : les relations de travail des personnes incarcérées qui ne font pas l’objet d’un contrat de travail, ne portent, en elles-mêmes, aucune atteinte aux droit ou liberté que la Constitution garantit).

Dignité des personnels : par la rénovation des locaux (amélioration des conditions matérielles de travail), l’augmentation des personnels de surveillance (1100 postes supplémentaires), mais aussi en renforçant l’attractivité des professions de la pénitentiaire.

Pourquoi cette refondation soulève-t-elle autant de contestations ?

Cette réforme peut paradoxalement apparaître à la fois laxiste ou trop répressive.

Réforme laxiste : parce que l’exécutif annonce la construction de 7 000 places de prison au lieu des 15 000 promises, parce que l’interdiction des peines d’emprisonnement inférieures à un mois, l’exécution des peines comprises entre 1 et 6 mois en milieu ouvert, l’instauration d’une peine de bracelet électronique, la promotion du travail d’intérêt général, la forfaitisation de certains délits, sont autant de signaux susceptibles d’être perçus par l’opinion publique comme un renoncement à la fonction punitive et exemplaire de la peine, essentiellement symbolisée par l’enfermement, surtout si, en même temps, elles s’accompagnent de l’amélioration des conditions de détention. Si la réforme voit le jour, le législateur devra donc faire preuve de la plus grande pédagogie pour aller à l’encontre de nombre d’idées préconçues.

Réforme rigoriste : la réforme peut être perçue comme véhiculant uniquement de la défiance à propos des aménagements de peine, dont le seuil est abaissé à 1 an (et non plus 2 ans à l’heure actuelle), rendus plus difficiles à prononcer, et même impossibles même au-delà d’1 an, la construction de 7 000 places de prison contribuant à renforcer l’idée d’une volonté de punir – plus que de réinsérer – du législateur.

Quoi qu’il en soit, quelle que soit l’opinion de chacun sur la réforme annoncée, il est, en revanche, indéniable que celle-ci sera immanquablement vouée à l’échec si elle ne s’accompagne pas de moyens substantiels pour la mettre en œuvre : à cet égard, il n’est pas certain que la création de 1 500 postes de conseillers pénitentiaires d’insertion et de probation sera suffisante pour assurer le suivi des condamnés et restaurer le crédit de la Justice.

Par Virginie Peltier