Cela fait maintenant un mois que l’exécutif réfléchit à la manière dont il pourrait traduire en mesures concrètes les demandes qui ont été exprimées par les Français lors du débat national. La mise en place d’un référendum en même temps que les élections européennes est aujourd’hui envisagé par Emmanuel Macron sans toutefois en avoir bien délimité les contours.

Décryptage par Michel Verpeaux, professeur de droit à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne.

« Il paraît impossible, dans les délais imposés, d’organiser un référendum afin de tirer les leçons de ce débat national. »

Quels types de questions peut-on poser lors d’un référendum national ?

Il faut distinguer les différentes catégories de référendum. Le premier est de l’initiative du Président de la République sur proposition du Gouvernement ou de l’initiative des membres du Parlement. Ce référendum est destiné à modifier la Constitution (art 89 de la Constitution) mais ici il n’est guère envisagé dans la situation actuelle car il requiert le vote de l’Assemblée nationale et du Sénat avant le recours au référendum. C’est donc plus long et plus risqué car les deux assemblées peuvent ne pas être du même avis. Il y a un deuxième référendum (article 11 de la Constitution) qui ne peut porter que sur trois types de textes : l’organisation des pouvoirs publics, la ratification d’un traité et les réformes affectant la politique économique sociale ou environnementale. Enfin, il existe un troisième référendum « d’initiative partagée », introduit en 2008.

Dans ce cas précis, il pourrait s’agir du référendum de l’article 11 de la la Constitution. La difficulté ici est que la Constitution exige que le référendum porte sur un projet de loi car il faudra transformer les questions qui pourront émerger sorties du Débat National sous forme de textes relativement précis.

Si ce sont des questions institutionnelles, elles pourront faire partie de la catégorie « pouvoirs publics ». Il y a aussi certaines questions qui pourraient concerner la « politique économique, sociale ou environnementale » comme par exemple la réduction des impôts ou la suppression d’un impôt mais il n’est pas certain que le Président de la République veuille poser cette question.

Comment prend-on en compte les résultats exprimés ?

La difficulté pourra être celle de l’existence de plusieurs questions qui nécessitent plusieurs réponses. Il faudra alors analyser réponse par réponse. La comptabilisation des voix se fera par question, en recherchant une majorité des suffrages exprimés en faveur du oui ou du non, sauf si la question est formulée autrement. Par exemple, lors du référendum sur le Brexit, la question n’appelait pas à répondre par oui ou par non mais « Voulez-vous rester ou quitter l’Union Européenne ? ».

Dans le cas français, si le vote blanc était comptabilisé, cela signifierait qu’il y aurait trois choix et ces votes feraient partie des suffrages exprimés. Pour le remporter, le « oui » devrait alors être en tête par rapport au « non » mais aussi par rapport au vote blanc. En France, la tradition est de n’avoir qu’une question, en dehors du cas du référendum du 21 octobre 1945. À partir du moment où y a plusieurs questions, la campagne électorale est compliquée car il pourrait y avoir plusieurs réponses possibles selon les questions. On imagine mal une seule réponse à une série de questions, cela risque d’être mal perçu.

Le gouvernement serait-il contraint de mettre en œuvre le choix retenu ? 

Pour ce référendum, il n’y a pas beaucoup de possibilités hors de celles qui ont été indiquées précédemment. Le référendum permet d’adopter un texte ou des textes sur plusieurs réformes qui sont proposées.

Si c’est un référendum de l’article 11 de la Constitution (qui porte sur « tout projet de loi portant sur l’organisation des pouvoirs publics, sur des réformes relatives à la politique économique, sociale ou environnementale de la nation et aux services publics qui y concourent, ou tendant à autoriser la ratification d’un traité ») cela veut dire qu’il conduit à l’adoption- ou non- d’un texte et, dans ce cas, le Président de la République n’a pas les moyens de refuser de le promulguer au même titre qu’une loi votée par le Parlement.

Il y a trois référendums dans la Constitution (le référendum législatif et le référendum constituant mentionnés dans la première question et le référendum d’initiative partagée introduit en 2008) et les trois sont prévus par la Constitution donc si l’on veut un mécanisme de référendum  qui permettrait de consulter tous les Français, il est difficile d’échapper à ce que prévoit la Constitution. Il paraît impossible, dans les délais imposés de réviser la Constitution pour organiser un référendum afin de tirer les leçons de ce débat national.

Pour aller plus loin :

 

Par Michel Verpeaux