Le 11 septembre 2013, un bijoutier niçois, Stephan Turk, était victime d’un braquage. Ses deux assaillants prenant la fuite, il décide de tirer à trois reprises sur l’un d’eux, qu’il blesse mortellement. Le procès pour homicide volontaire s’est ouvert ce lundi 28 mai et devrait se clôturer le vendredi 1er juin.

Décryptage par Jacques-Henri Robert, professeur émérite de l’Université Paris II Panthéon-Assas et Expert du Club des juristes.

« La cour d’assises doit seulement apprécier la proportionnalité des moyens mis en œuvre pour la défense des biens et non le résultat »

Pourquoi l’accusé avait-il été renvoyé devant la Cour d’assises ?

La chambre de l’instruction, saisie sur appel interjeté contre une ordonnance de mise en accusation rendue par un juge d’instruction, n’a pas le pouvoir de condamner. Elle décide seulement que les charges factuelles sont assez pertinentes et que l’accusation repose sur une base légale, en l’espèce l’homicide volontaire. La cour d’assises reste libre de sa propre décision.

Comment se traduit la légitime défense en droit pénal français ?

C’est l’article 122-5 du Code pénal qui définit la légitime défense. Il comprend deux alinéas, le premier relatif à la défense de la personne attaquée, qu’il s’agisse du défenseur ou d’un tiers, et le second relatif à la défense des biens, applicable à l’espèce. La distinction entre ces deux hypothèses, qui n’était pas inscrite dans l’ancien Code pénal, a donné lieu à des débats très animés lors de la rédaction du nouveau Code pénal. C’est de cela qu’il s’agit dans l’affaire Turk.

Alinéa 1 : « N’est pas pénalement responsable la personne qui, devant une atteinte injustifiée envers elle-même ou autrui, accomplit, dans le même temps, un acte commandé par la nécessité́ de la légitime défense d’elle-même ou d’autrui, sauf s’il y a disproportion entre les moyens de défense employés et la gravité de l’atteinte ». On trouve là les trois conditions de l’irresponsabilité du défenseur : une attaque, une riposte nécessaire et simultanée ou immédiatement consécutive à l’attaque, enfin la non-disproportion des moyens choisis eu égard à la gravité de l’attaque.

Ces trois conditions sont reprises mais durcies par  l’alinéa 2 de l’article 122-5 : « N’est pas pénalement responsable la personne qui, pour interrompre l’exécution d’un crime ou d’un délit contre un bien, accomplit un acte de défense, autre qu’un homicide volontaire, lorsque cet acte est strictement nécessaire au but poursuivi dès lors que les moyens employés sont proportionnés à la gravité de l’infraction ». La défense doit être « strictement » nécessaire et les moyens de la riposte « proportionnés » et non plus seulement non disproportionnés. Mais la principale différence tient en ce que l’homicide volontaire n’est jamais justifié si l’intérêt protégé est la défense d’un bien.

Pourquoi la justice pourrait-elle n’être pas retenue dans le cas de Stephan Turk ?

C’est cette dernière disposition qui a inspiré l’arrêt de mise en accusation : lorsqu’il a tiré un coup de feu, Stephan Turk n’était plus menacé dans sa personne, mais il voulait récupérer le bien qu’on venait de lui voler.

Son avocat invoquera probablement que s’il y a bien eu mort d’homme, l’accusé n’avait pas l’intention de tuer, mais seulement celle d’interrompre la fuite des voleurs en endommageant leur véhicule ou en les blessant. En effet, la cour d’assises doit seulement apprécier la proportionnalité des moyens mis en œuvre pour la défense des biens et non le résultat, en l’espèce la mort, si l’accusé ne l’avait pas voulu.

Par Jacques-Henri Robert