Le Parlement européen a voté, fin novembre, une motion déclarant « l’urgence climatique et environnementale ». Une mesure non contraignante mais symbolique qui est internue à quelques jours de l’ouverture de la COP25 en Espagne qui s’est clôturé hier.

Décryptage par Estelle Brosset, professeure de droit , Chaire Jean Monnet, Aix-Marseille Université, Université de Toulon, Univ Pau & Pays Adour, CNRS, DICE, CERIC, Aix-en-Provence, France

« Une résolution n’a pas vocation, en principe, à produire d’effet juridique et, de ce fait, ne constitue pas un acte attaquable devant la Cour de justice de l’Union »

En quoi consiste la résolution « urgence climatique » ?

Il s’agit d’une résolution du Parlement européen sur l’urgence climatique et environnementale, adoptée en session plénière le 28 novembre 2019 à une majorité confortable (429 pour, 225 contre et 19 abstentions).

La résolution est articulée autour de trois points. Il s’agit d’abord pour le Parlement de déclarer « l’état d’urgence climatique et environnementale » et de rappeler la nécessité de « limiter le réchauffement de la planète à 1,5 °C et éviter une perte massive de biodiversité ».

Partant de là, le Parlement  prendre « acte de sa responsabilité institutionnelle en matière de réduction de son empreinte carbone », responsabilité qui le conduit à proposer mesures concrètes pour réduire ses propres émissions : le remplacement de sa flotte par des véhicules à émission zéro et la détermination d’un siège unique pour lui-même (par un accord entre les Etats membres, seuls compétents en la matière). Le texte invite enfin la Commission, les États membres ainsi que tous les acteurs mondiaux à en faire de même. Il demande surtout et  « instamment » à la nouvelle Commission d’évaluer l’incidence de toutes ses propositions législatives et budgétaires en vue de les aligner à l’objectif visé (notamment dans les domaines de l’agriculture, du commerce, des transports, de l’énergie et des infrastructures).

Le même jour a été adoptée la résolution du Parlement sur la conférence des Nations unies de 2019 sur les changements climatiques à Madrid, Espagne (COP 25). Eu égard aux  différents rapports (notamment ceux du GIEC), le Parlement dans ce texte dit son inquiétude à propos de la réalisation de l’objectif de limitation du réchauffement à 1,5 °C d’ici 2100. Il appelle à l’adoption d’un objectif de réduction de 55 % (au lieu de 40 %) des émissions de gaz à effet de serre européennes d’ici 2030 par rapport aux niveaux de 1990 et à l’inscription de l’objectif de neutralité climatique[1] dès que possible et au plus tard d’ici 2050. Il demande au Conseil européen, lors de sa réunion des 12 et 13 décembre 2019, se soutenir un tel objectif. Le Parlement insiste particulièrement sur le secteur des transports aériens comme maritimes, seul secteur qui a connu une augmentation des émissions depuis 1990. Il s’inquiète notamment du manque d’ambition du régime de compensation et de réduction de dioxyde de carbone pour l’aviation internationale (CORSIA) et des difficultés d’articulation avec son propre système d’échanges de quotas d’émissions de gaz à effet de serre (SEQE).

Quelle sera la portée de cette résolution ?

C’est un vote clairement à portée symbolique. Une résolution n’a pas vocation, en principe, à produire d’effet juridique et, de ce fait, ne constitue pas un acte attaquable devant la Cour de justice de l’Union, sauf si bien évidemment le contenu et la portée de l’acte permettent de démontrer de tels effets[2]. Il s’agit principalement pour le Parlement de maintenir la pression sur les dirigeants européens. Pascal Canfin qui préside la Commission ENVI qui a initié le texte a déclaré : « Le fait que l’Europe soit le premier continent à déclarer l’urgence climatique et environnementale, juste avant la COP25, alors que la nouvelle Commission entre en fonctions, et trois semaines après que Donald Trump a confirmé le retrait des Etats-Unis de l’accord de Paris, est un message fort envoyé aux citoyens et au reste du monde ».

Quel est le contexte de cette résolution ?

La résolution intervient dans un contexte international « chargé » : elle a été prise juste avant la COP25 qui a lieu du 2 au 13 décembre. Notons également que la 26e conférence des parties à la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CNUCC) doit avoir lieu en décembre 2020. Juste avant, la 15e conférence des parties à la Convention sur la diversité biologique (COP15) doit se tenir à en Chine, en octobre 2020. Au-delà de ces conférences, le contexte a été marqué par les manifestations mondiales de jeunes et les grèves pour le climat, lancées par la militante suédoise Greta Thunberg, dans 185 pays avec un nombre record de 7,6 millions de personnes descendues dans les rues en septembre 2019.

Or, le contexte dans l’Union est particulier. Les efforts de l’Union sont, depuis longtemps substantiels, quasiment exemplaires. Récemment, des textes ont été adoptés en vue de moderniser le SEQE, de réduire les émissions dans les secteurs non couverts par le SEQE (par exemple les transports, le bâtiment, l’agriculture et les déchets), de réduire les émissions dues au transport routier ou encore d’accroître l’utilisation des énergies renouvelables. Toutefois, les débats sont encore vifs sur le renforcement du niveau d’ambition dans l’Union. Pour preuve, en novembre 2018, la Commission européenne a présenté une stratégie à long terme en vue d’une neutralité carbone d’ici 2050, mais le Conseil européen ne l’a toujours pas approuvé. Lors du sommet 2019 des Nations unies sur l’action pour le climat, 65 Etats, y compris l’Union, ont indiqué œuvrer pour atteindre un niveau zéro d’émission nette de gaz à effet de serre d’ici 2050. Toutefois, pour y parvenir, tous les États membres de l’Union n’ont pas été prêts à soutenir un renforcement du niveau d’ambition des contributions de l’Union. Pourtant, selon l’enquête Eurobaromètre de 2019, 93 % des citoyens de l’Union sont prêts à resserrer les objectifs climatiques. Et Mme Ursula Von der Leyen, nouvelle présidente de la Commission européenne, a inscrit l’action pour le climat et plus exactement la neutralité climatique au rang des priorités de la Commission européenne.

[1] Ou neutralité carbone c’est-à-dire un équilibre entre les émissions de carbone et l’absorption du carbone par les puits de carbone, par le développement des énergies renouvelables, par l’échange de quotas d’émission.

[2] La Cour a ainsi pu considérer que constitue un acte susceptible de faire l’objet d’un recours en annulation une résolution sur le siège des institutions et le lieu de travail principal du Parlement européen, adoptée par celui-ci le 18 janvier 1989. En effet, cette résolution, en désignant le personnel dont la présence à Bruxelles est indispensable et mandatant les organes compétents du Parlement pour prendre toutes les mesures requises pour sa mise en oeuvre, revêt un caractère décisionnel et ses effets pourraient affecter les garanties résultant pour le Grand-Duché de Luxembourg des textes relatifs au siège et aux lieux de travail du Parlement : CJCE, 28 novembre 1991, Luxembourg / Parlement, aff. C-213/88 et C-39/89, Rec.p.I-5643.