Le nouveau projet de loi constitutionnelle « pour un renouveau de la vie démocratique », révélé par le journal  Le Monde, sera présenté fin juin en Conseil des ministres.

Décryptage par Olivier Dord, professeur de droit public  à l’université Paris-Nanterre, directeur de l’IPAG.

« Certaines lignes rouges dont le maintien aurait menacé l’adoption de la révision disparaissent, tandis que de nouvelles mesures sont ajoutées afin de répondre aux aspirations issues du grand débat national »

Quelle est la procédure mise en œuvre pour réviser la Constitution ?

La procédure de révision de la Constitution est prévue par l’article 89 du texte du 4 octobre 1958. Elle comprend trois étapes :

  1. L’initiative de la révision appartient concurremment au Président de la République, sur proposition du Premier ministre, (projet de révision) et à chacun des membres du Parlement (proposition de révision).
  2. Le projet, ou la proposition de révision, doit être adopté(e) par l’Assemblée nationale et le Sénat en termes identiques. Il s’agit d’un des rares cas de bicaméralisme égalitaire. La navette entre les deux assemblées se poursuit tant qu’un accord sur un texte commun n’est pas trouvé.
  3. L’adoption définitive de la révision nécessite son approbation par référendum. Toutefois, un projet de révision n’est pas présenté au référendum lorsque le Président de la République décide de le soumettre au Parlement convoqué en Congrès à Versailles. Dans ce cas, la révision est définitivement adoptée si le projet réunit la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés.

Quels sont les inchangés par rapport à la version de 2018 ?

Sous réserve de la consultation du texte qui sera transmis in fine au Conseil d’État, les informations publiées par Le Monde permettent d’identifier deux catégories d’invariants dans le projet de révision actualisé par rapport à sa version initiale :

En premier lieu, demeuraient inchangées les dispositions relatives au renforcement de l’indépendance de la justice. Sera ainsi supprimée la catégorie des membres de droit du Conseil constitutionnel qui concerne les anciens Présidents de la République. De même, sur le modèle de leurs collègues du siège, les magistrats du parquet seront désormais nommés et promus sur avis conforme de la formation compétente du Conseil supérieur de la magistrature. Celle-ci exercera aussi, à la place du ministre de la Justice, le pouvoir disciplinaire sur les parquetiers.

Enfin, la Cour de justice de la République sera abrogée : les délits et crimes commis par un membre du Gouvernement dans l’exercice de ses fonctions relèveront désormais de la Cour d’appel de Paris après examen des plaintes par une commission des requêtes.

En second lieu, seraient également conservées les dispositions relatives à la décentralisation. D’une part, sera reconnu un droit à la différenciation entre collectivités territoriales sous trois formes : exercer une compétence dont ne disposent pas les autres collectivités de la même catégorie ; déroger aux lois et règlements qui régissent l’exercice des compétences d’une collectivité ; autoriser les collectivités ultra-marines à bénéficier de leur propre régime de différenciation des normes. D’autre part, les principaux éléments du statut juridique actuel de la Corse seront inscrits dans la Constitution.

En quoi va consister cette révision ? Quels seraient ses apports ?

Toujours selon Le Monde, certains éléments disparaissent du projet de révision ; d’autres sont ajoutés ou voient leur portée renforcée. Les premiers constituent des « lignes rouges » dénoncées notamment par le Sénat dont le maintien aurait menacé l’adoption de la révision. Les seconds répondent à des aspirations issues du grand débat national.

Les dispositions qui seraient supprimées du projet de révision concernent la réforme drastique de la procédure législative. Les sept articles abandonnés auraient impliqué entre autres une réduction du droit d’amendement des parlementaires, du nombre et de la durée des navettes entre les deux assemblées ou de la durée d’examen de certains textes.

Trois éléments seraient en revanche ajoutés ou renforcés dans le projet de révision actualisé. En premier lieu, le thème de la protection de l’environnement se limitait dans la version initiale du projet à confier à la loi, au titre de l’article 34 de la Constitution un énième domaine : l‘action contre les changements climatiques. Dans sa nouvelle mouture, le projet modifierait en outre l’article 1er de la Constitution qui définit les attributs de la République en précisant que celle-ci « agit pour la préservation de l’environnement et de la diversité biologique et contre les changements climatiques ». Cet ajout très symbolique reprend les modifications introduites à l’Assemblée nationale lors de l’examen du projet initial à l’été 2018.

En second lieu, l’article 11 de la Constitution serait amendé sur deux points. D’une part, le champ du référendum législatif sera étendu à tout projet de loi portant sur l’organisation des pouvoirs publics « nationaux ou territoriaux » ainsi qu’à ceux relatifs « aux réformes portant sur des questions de société ». D’autre part, la procédure du référendum d’initiative partagée (RIP) sera modifiée. Son déclenchement serait facilité par la réunion désormais d’un dixième des parlementaires et d’un million d’électeurs contre aujourd’hui un cinquième des parlementaires et un dixième des électeurs (soit 4,7 millions !). Il sera aussi précisé que l’initiative peut être d’origine soit parlementaire, soit citoyenne. En revanche, l’objet du RIP serait plus encadré : il ne pourra viser l’abrogation ni d’une disposition législative promulguée « depuis moins de trois ans », au lieu d’un an actuellement, ni « d’une disposition en cours de discussion au Parlement ». Cette dernière limite rendrait impossible le dépôt par l’opposition d’une initiative référendaire comme celle de mai 2019 la veille de l’adoption par l’Assemblée nationale de la loi permettant la privatisation du groupe ADP.

En dernier lieu, la réforme du Conseil économique, social et environnemental serait accentuée. Il serait renommé « Conseil de la participation citoyenne ». Ses membres seront réduits d’un tiers. En revanche, il verra son rôle élargi. Il organisera, à son initiative ou sur celle de l’exécutif, la consultation du public via des conventions de citoyens tirés au sort. Et, se substituant à la Commission nationale du débat public, il assurera aussi « la participation du public au processus d’élaboration des projets d’aménagement ou d’équipement d’intérêt national ».

Pour aller plus loin :

 

Par Olivier Dord