Le 16 juillet, le Parlement a donné son feu vert définitif au projet de loi qui doit encadrer la restauration de Notre-Dame, ravagée par les flammes le 15 avril dernier.

Décryptage par Stéphane Braconnier, professeur de droit à l’Université Paris II Panthéon-Assas.

« Le Gouvernement a voulu manifester la pleine implication de l’État et de ses représentants dans la conduite du chantier de restauration de la cathédrale. »

L’Assemblée nationale a adopté en lecture définitive, le 16 juillet dernier, la loi pour la restauration et la conservation de la cathédrale Notre-Dame de Paris et instituant une souscription nationale à cet effet. Pourquoi une loi était-elle nécessaire ?

Trois motifs, de nature très différente, expliquent et fondent l’adoption de cette loi. Le premier de ces motifs est lié à l’émotion considérable suscitée en France et dans le Monde par l’incendie de la cathédrale Notre-Dame de Paris, le 15 avril dernier. En faisant adopter rapidement un texte de loi par le Parlement, le Gouvernement a voulu manifester, à la suite du Président de la République, la pleine implication de l’État et de ses représentants dans la conduite du chantier de restauration de la cathédrale.

La seconde raison est liée à la nécessité de donner un cadre juridique à la souscription nationale lancée pour le financement de cette restauration. Dès le lendemain de l’incendie en effet, l’État a dû faire face à un afflux inédit de promesses de dons (425 M€ effectivement collectés au 26 avril 2019), dont la gestion a été confiée, dans l’urgence, à plusieurs établissements et fondations d’utilité publique, notamment le Centre des Monuments nationaux (CMN), la Fondation Notre-Dame, la Fondation du patrimoine, ou encore la Fondation de France. La loi entend accompagner cet élan de mobilisation par un dispositif de collecte spécifique, dans le cadre d’une souscription nationale placée sous l’autorité du Président de la République. Les quatre organismes susvisés sont chargés par la loi de collecter les dons et la bonne utilisation de ces fonds sera contrôlée par un comité ad hoc, lui-même créé par la loi.

Le troisième et dernier motif d’adoption de cette loi est lié à la volonté du Président de la République, exprimée le soir même de l’incendie, d’achever les travaux de restauration de la cathédrale dans un délai très court de cinq années. Cela nécessite, d’une part, la mise en œuvre d’un dispositif institutionnel et opérationnel permettant un pilotage agile des travaux, ainsi que des dérogations ciblées aux principales règles applicables à la construction publique, notamment le droit des marchés publics, le droit de l’urbanisme et le droit des enquêtes publiques. La loi adoptée par l’Assemblée nationale le 16 juillet dernier tente de répondre à l’ensemble des objectifs.

L’article 8 de la loi prévoit la création d’un établissement public administratif placé sous la tutelle du ministère de la Culture. À quoi servira-t-il et comment sera-t-il géré ?

L’article 8 de la loi habilite en effet le Gouvernement à créer par ordonnance un établissement public administratif, qui sera chargé de concevoir, réaliser et coordonner les travaux de restauration et de conservation de la cathédrale. Cet établissement public administratif sera, en quelque sorte, par délégation de l’État, maître d’ouvrage des travaux de restauration de la cathédrale. Dès lors que la cathédrale appartient à l’État, les travaux réalisés sur celle-ci le sont sous maîtrise d’ouvrage de l’État, c’est-à-dire, en pratique, de la Direction régionale des affaires culturelles (DRAC). Mais il est possible, et finalement assez courant, en France, que l’Etat confie la maîtrise d’ouvrage de certains chantiers ou certaines catégories de travaux à une entité dédiée, à laquelle est conférée la personnalité morale de droit public. Cette entité dispose d’une autonomie administrative et financière qui lui permet d’assumer sa mission dans des conditions plus souples et plus « fluides » que lorsque l’État est sollicité directement. Parmi les exemples les plus emblématiques peuvent être cités l’Opérateur du Patrimoine et des Projets immobiliers de la Culture (OPPIC), dans le domaine des travaux culturels, l’Agence Publique pour l’Immobilier de la Justice (APIJ), dans le domaine pénitentiaire et de la justice ou encore l’Établissement public du Palais de justice de Paris, créé en vue de la construction du nouveau TGI de Paris aux Batignolles. La création de cet établissement public, qui sera donc agence de maîtrise d’ouvrage des travaux de restauration de la cathédrale, permettra un pilotage centralisé des travaux et une utilisation sans doute plus transparente de l’ensemble des fonds qui auront été collectés et dont la loi indique (art. 2) qu’ils seront intégralement consacrés au financement de la restauration et de la conservation de la cathédrale et de son mobilier. La création de cet établissement public est donc un vecteur de simplification institutionnelle.

Cette reconstruction va nécessiter des dérogations au droit commun de la construction publique, quelles sont-elles ?

L’article 9 de la loi a été, sans aucun doute, le plus controversé au cours de la discussion parlementaire. C’est d’ailleurs sur cet article qu’a achoppé l’accord entre l’Assemblée nationale et le Sénat, ce qui a conduit l’Assemblée nationale à adopter seule la loi, en lecture définitive. Cet article 9 habilite le Gouvernement à prendre par ordonnances toutes les dispositions législatives qui permettront de faciliter la réalisation des travaux, notamment en procédant aux adaptations ou aux dérogations aux règles d’urbanisme, de protection de l’environnement, de voirie, de droit de la commande publique ou de la domanialité publique. Cet article est donc fondamentalement justifié par la volonté d’accélérer le processus de construction et de restauration. Le périmètre des dérogations potentielles est très large, ce qui a suscité des inquiétudes. Ces dernières ne pourront être levées que lorsque les ordonnances auront été publiées. Le gouvernement a tenu, sur ce point, à rassurer les parlementaires en rappelant qu’il n’était pas question de profiter de la restauration de Notre-Dame pour initier une réforme d’ampleur du droit du patrimoine, de l’environnement ou de l’urbanisme. Les dérogations auquel il sera procédé par ordonnance ont ainsi vocation à rester très ciblée et, surtout, strictement limitées aux contraintes nées des travaux de restauration de la cathédrale.

Pour aller plus loin :

Par Stéphane Braconnier.