Mardi dernier, Alexandre Benalla et Vincent Crase ont été placés en détention provisoire pour violation du contrôle judiciaire. Ce mercredi, la Commission d’enquête sénatoriale a rendu son rapport dont les conclusions ont mené le parquet de Paris à ouvrir une enquête pour « entrave à la manifestation de la vérité » dans le cadre des différentes enquêtes visant Alexandre Benalla.

Décryptage par Jacques-Henri Robert, Expert du Club des juristes, Professeur émérite de l’Université Paris II Panthéon-Assas, Directeur de l’Institut de Criminologie de l’Université de Paris II de 1994 à 2008.

« La violation de l’interdiction (de se voir) qui leur avait été imposée par un juge est une raison suffisante pour qu’ils soient placés en détention provisoire »

Le juge des libertés et de la détention a décidé de l’incarcérer pour violation du contrôle judiciaire. Qu’est-ce que cela signifie ? Sur quels fondements a été prise cette décision ?

Le contrôle judiciaire auquel étaient soumis Alexandre Benalla et Vincent Crase leur interdisait de se rencontrer et d’entrer en contact de quelle que façon que ce soit. Ils se sont néanmoins vus et se sont parlé comme le prouve l’enregistrement diffusé par Mediapart. Cette seule violation de l’interdiction qui leur avait été imposée par un juge est une raison suffisante pour qu’ils soient placés en détention provisoire puisque les délits dont ils sont accusés font encourir l’emprisonnement (art. 141-2 Code de procédure pénale). La détention provisoire peut durer au maximum quatre mois.

Les avocats d’Alexandre Benalla et Vincent Crase ont demandé un référé liberté. En quoi cela consiste-t-il ? Quels sont les arguments de leur défense ?

Le référé est une procédure rapide connue de tous les ordres de juridictions : civile, commerciale, pénale et administrative. Le justiciable qui la met en œuvre demande à un juge de prendre une mesure provisoire et urgente, sans résoudre le fond d’une affaire, c’est-à-dire sans mettre un terme au procès.

Dans le cas du référé-liberté, il s’agit d’une demande accessoire à l’appel contre le placement en détention : l’appel principal saisit la chambre de l’instruction, qui est une formation de la Cour d’appel, et il a pour objet le point de savoir si la mise en détention a été ordonnée conformément à la loi ; le référé-liberté est greffé sur cet appel, il est formé en même temps que lui, au plus tard le jour suivant le placement en détention, et tend à mise en liberté immédiate et provisoire, avant même que la légalité de la détention ait été appréciée par la chambre toute entière (art. 187-1 du Code de procédure pénale). Le magistrat statue au plus tard le troisième jour ouvrable suivant la demande. S’il y fait droit, l’appel dont le référé est l’accessoire est caduc. Sinon, il est examiné par la chambre toute entière qui doit statuer dans le délai de dix jours ou de quinze jours si la personne mise en examen comparaît (art. 194 du Code de procédure pénale).

Les arguments présentés par les avocats d’Alexandre Benalla et Vincent Crase sont factuels et fondés sur leur situation personnelle. Le premier est père d’un très jeune enfant.

Le Parquet de Paris a ouvert une enquête pour « entrave à la manifestation de la vérité» suite aux conclusions de la Commission d’enquête sénatoriale. Pourquoi ? Quels sont les faits reprochés ?

L’entrave à la manifestation de la vérité est le comportement décrit par l’article 434, 2° du Code pénal comme  « le fait, en vue de faire obstacle à la manifestation de la vérité́  … 2° De détruire, soustraire, receler ou altérer un document public ou privé ou un objet de nature à faciliter la découverte d’un crime ou d’un délit, la recherche des preuves ou la condamnation des coupables ». La peine encourue est de trois ans d’emprisonnement et de 45.000 € d’amende.

Il y a plus grave si Alexandre Benalla est poursuivi pour avoir menti à la Commission d’enquête sénatoriale. Ce comportement est assimilé au faux témoignage devant une juridiction, lequel est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende par l’article 434-13 du Code pénal. L’assimilation résulte de l’article 6, III de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, qui a été modifié par la loi n° 2017-1241 du 8 août 2017. Il est reproché à  Alexandre Benalla d’avoir fait de fausses déclarations à propos de ses activités privées de surveillance et de sécurité pendant qu’il était en fonction à la Présidence de la République.

Pour aller plus loin :

Par Jacques-Henri Robert