Selon une enquête du « Monde », l’Élysée aurait utilisé une vidéo issue du système de vidéosurveillance de la Préfecture de Police illégalement ainsi que celle d’un individu violent qui n’est pas la personne qui a été interpellée par Alexandre Benalla. Ces vidéos auraient été diffusées à travers un compte twitter anonyme géré par le chargé de communication de l’Élysée, Ismael Emilien, afin de dédouaner les actions d’Alexandre Benalla.

Décryptage par Jacques-Henri Robert, Expert du Club des juristes, Professeur émérite de l’Université Paris II Panthéon-Assas, Directeur de l’Institut de Criminologie de l’Université de Paris II de 1994 à 2008.

« Les poursuites qui pourraient être envisagées auraient pour base le recel de l’infraction commise par Alexandre Benalla ou celle commise par le fonctionnaire qui l’aurait indiscrètement informé »

 

Alexandre Benalla aurait lui-même fourni les premières images de la vidéo qui proviennent du système de vidéosurveillance de la Préfecture de police de Paris. Si les images ont été obtenues illégalement, que risque Alexandre Benalla ?

On sait seulement que Alexandre Benalla a obtenu ces images de manière illégale, mais non pas le procédé utilisé. Deux hypothèses sont permises: ou bien il s’est introduit, sans droit, dans les données informatiques de la Préfecture, et il a commis le délit décrit comme « le fait d’accéder ou de se maintenir frauduleusement, dans tout ou partie d’un système de traitement automatisé de données »; cette infraction est punie, par l’article 323-1 du Code pénal, de deux ans d’emprisonnement et de 60.000 € d’amende; ou bien, un fonctionnaire de la Préfecture a communiqué ces images à Alexandre Benalla, en violation de son secret professionnel, et Alexandre. Benalla est receleur de la violation de ce secret (art. 321-1 C. pén.). La peine est de cinq ans d’emprisonnement et de 375.000 € d’amende.

Sur l’une de ces vidéos, on découvre également une personne agitée poursuivant un policier. Les éléments factuels de cette vidéo attestent pourtant qu’il ne s’agit « ni de la bonne personne, ni de la bonne heure, ni du bon lieu ». Ce montage peut-il être puni par la loi ?

Les fausses nouvelles ne sont réprimées que si elles ont des effets très graves : troubler « la paix publique » (art. 27 de la loi du 29 juillet 1881), c’est-à-dire provoquer des désordres importants, par exemple des émeutes. La loi du 22 décembre 2018 relative à la manipulation de l’information prévoit des sanctions, prononcées par le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) ou par le Conseil d’État, contre les médias contrôlés par des étrangers qui diffusent des informations qui « portent atteinte aux intérêts de la Nation, dont le fonctionnement régulier de ses institutions notamment par la diffusion de fausses informations » (art. 42-6 modifié de la loi du 30 sept. 1986). Aucune de ces conditions n’est réunie.

Si l’implication de l’Élysée est confirmée dans cette affaire, l’Élysée sera-t-elle considérée comme complice ? Qui fera l’objet de poursuites ?

L’Élysée n’est pas une personne morale, pas plus que ne l’est un ministère et est donc à l’abri de poursuites pénales. Les poursuites qui pourraient être envisagées auraient pour base le recel de l’infraction commise par Alexandre Benalla ou celle commise par le fonctionnaire qui l’aurait indiscrètement informé. Ces poursuites viseraient la personne physique d’un fonctionnaire ou d’un contractuel de la Présidence. Il serait parfaitement ridicule de traduire le Président devant la Haute Cour pour une telle affaire qui ne peut pas recevoir la qualification  « de manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec l’exercice de son mandat » au sens de l’article 68 de la Constitution.

Pour aller plus loin :

Par Jacques-Henri Robert.